Fromage : la Fontina veut passer les Alpes
De notre envoyée spéciale
Le nom de cette AOP fromagère sonne comme les cloches des reines dans la région autonome de la Vallée d’Aoste : Fontina. Les reines sont ces vaches dominantes qui mènent leurs semblables à flanc de montagne entre 1 500 et 3 000 mètres d’altitude et s’affrontent dans de pittoresques tournois. Entre Mont Blanc, Cervin, Mont Rose et dans le massif du Grand-Paradis, les troupeaux de race valdôtaine s’alimentent de pâturages pendant 6 mois l’année et de foin local les 6 mois restants. Le lait cru de chaque traite est immédiatement chauffé, caillé, brassé, son caillé moulé, pressé, retourné, etc. pour donner des meules cylindriques, plutôt plates, de 35 à 45 cm de diamètre. Celles-ci pèsent entre 7,5 et 12 kg au bout de l’affinage qui dure au moins 80 jours. Leur peau est fine, orangée.
Il se produit environ 400 000 meules, soit 3 500 tonnes par an, ce qui place la Fontina en dessous du Beaufort. Cette rareté ne propulse pourtant pas le prix au sommet du Mont Blanc puisqu’un grossiste de Rungis peut l’acheter actuellement à 9 euros, assure le responsable commercial de la Coopérative des producteurs de Saint-Christophe, Corrado Armand. La pâte de la Fontina est parfumée, souple et suave. La qualité destinée au marché français est issue d’un affinage d’environ 6 mois. Elle est dotée d’arômes complexes, équilibrés.
Rupture de stock
Mais la Fontina est un peu victime de son succès. Cet hiver, elle a frôlé la rupture de stock. Explication donnée par M. Armand : la production est stable, pour ne pas dire qu’elle décline un peu chaque année, alors que les ventes progressent de 2 à 3 % par an, que ce soit en Italie du Nord (80 % des ventes), dans la vallée d’Aoste (5 % des ventes) ou à l’export (15 %). La spécialité alpine se vend aux Etats-Unis, en France, et cela commence au Japon, en Australie et au Canada. Rien de bien grave ; « on sera tranquille à partir de mai», soulignait le responsable commercial début avril. En attendant, comme chaque année à la saison creuse, il se concentre sur les clients les plus anciens. Il en signale un ou deux à Rungis et dans la vallée de Chamonix.
La bonne nouvelle est que la production se régularise en volume et en qualité depuis trois ans, à la faveur d’une certaine concentration de l’élevage et d’un suivi technique de plus en plus poussé des éleveurs-fruitiers. 80 % des fromages obtiennent l’appellation. Le but n’est pas d’augmenter ce pourcentage mais de régulariser la qualité, surtout celle des petits producteurs. L’une des caractéristiques recherchée est la répartition des yeux : il en faut, mais pas trop ; ce sont les « yeux de la douceur ».
Un millier de familles produisent du lait destiné à la Fontina en vallée d’Aoste, une trentaine en vit. Le plus gros élevage, de 200 vaches, fournit à chaque traite de quoi préparer une quinzaine de meules. On recense 80 fruitières en hiver et deux centaines en été, en comptant ceux des alpages. Une vingtaine de grosses coopératives sont établies en plaine. Une des fromageries réalise 200 pièces par jour. Depuis l’an dernier, les producteurs sont mieux payés. S’ajoutent les frais fixes qui augmentent, dont l’électricité et les livraisons. La Fontina n’était pas au dernier salon des fromages, mais on peut la rencontrer sur chaque Sial. Un conseil : s’adresser directement en français à un Valdôtain.