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Fournisseurs et distributeurs : la régulation se fait dans les prétoires

En novembre dernier, évoquant l’initiative procédurale des pouvoirs publics à l’égard de neuf acteurs majeurs de la distribution (voir notre chronique du n°32), nous nous interrogions sur les objectifs de telles incursions dans la sphère des contrats de droit privé. Un premier élément de réponse nous est venu le 6 janvier 2010 du tribunal de commerce de Lille, dans une affaire ayant opposé le ministre de l’Économie à la société Castorama France.
Sur le fondement de l’article L.442-6-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi LME, le ministre stigmatisait trois types de stipulation résultant des contrats de la société Castorama avec ses fournisseurs, comme constituant un déséquilibre significatif au préjudice des fournisseurs et au bénéfice de Castorama. Il s’agissait de l’obligation faite aux fournisseurs de verser chaque fin de mois à Castorama France des acomptes de remises et ristournes, de les payer par virement, et enfin de leur faire payer des acomptes dont les montants sont assis sur un chiffre d’affaires qui ne pourra pas être atteint.
Le texte servant de base aux poursuites, issu de l’article L.442-6-2° du code de commerce, prévoit en substance que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Notre première observation est que le choix de ce texte comme base aux poursuites n’était pas anodin. Il s’agit du seul passage de l’article L.442-6 qui ne vise aucun comportement précis et permet donc d’appréhender les situations les plus diverses.

La notion de déséquilibre significatif
Comme nous l’avions déjà indiqué, le rôle du juge dans l’interprétation de la loi est considérable sur la base de ce texte. Dans le cas présent, pour les trois types de comportements stigmatisés par le ministre de l’Économie, la notion de déséquilibre significatif est retenue. Sans entrer dans les détails, le juge lillois semble surtout attaché à la preuve d’un accord et donc d’une négociation sur les conditions convenues contractuellement entre fournisseurs et distributeur.
Ceci semble évident pour l’obligation faite aux fournisseurs de payer par virement, dont le tribunal peut affirmer dans un même jugement qu’il s’agit d’un moyen de paiement pratique, sûr et économique, tout en considérant qu’il n’en constitue pas moins un déséquilibre significatif au préjudice du fournisseur dès lors qu’il n’a pas été négocié.
De même, s’agissant du troisième grief invoqué par le ministre, la sanction du juge lillois porte sur l’absence de clause de révision dans le contrat permettant au distributeur de percevoir des acomptes assis sur une base de chiffre d’affaires qui ne sera pas atteinte.
Il fut un temps, pas si lointain, où les conventions entre commerçants étaient présumées équilibrées par la capacité des uns et des autres à faire prévaloir leurs propres intérêts dans la négociation commerciale. Depuis notamment un quart de siècle, des aménagements se sont multipliés dans la relation industrie-commerce, sans réel impact, faute de pouvoir prendre le mal par la racine.
Le paradoxe actuel est que la loi LME réaffirme la libre négociabilité des relations entre fournisseur et distributeur, mais parallèlement les pouvoirs publics s’arrogent un droit de regard sur l’économie des conventions effectivement souscrites et sur le caractère réel de la négociation de leur contenu.
De toute évidence, ce sera au distributeur mis en cause de prouver que tel ou tel point de sa convention a bien été négocié et pas seulement imposé. C’est donc par les prétoires que la régulation se fera.
Rédaction Réussir

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