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Face à l'embargo russe, la Pologne convoite de nouveaux marchés

Alors que l'embargo russe redistribue les cartes du jeu des échanges de marchandises en Europe, la Pologne tente de séduire l'Europe de l'Ouest, le Maghreb ou encore l'Asie pour vendre ses produits alimentaires. Reportage au cœur du salon Polagra, du 29 septembre au 2 octobre dernier.

Du 29 septembre au 2 octobre dernier à Poznan. 1 300 entreprises agroalimentaires exposent au salon Polagra. De l'agriculture aux restaurateurs en passant par les équipements, toute la filière alimentaire polonaise est réunie.

Et les exposants n'ont qu'une seule idée en tête : développer les exportations. L'embargo russe a fortement impacté les industriels polonais, même si ceux-ci gardent la tête froide. « Nous ne pouvons pas changer les règles d'importation imposées par Moscou, nous devons donc composer nos plans de développement sans la Russie », explique Božena Kominska, directrice des ventes chez Moscibrody, spécialisé dans l'abattage, la découpe et la transformation de porcs, de bœufs et de veaux. L'entreprise qui réalise un chiffre d'affaires de 30 mil-lions d'euros avec un effectif de 400 personnes a perdu 30 % de ses ventes à l'export.

Marchés récupérés en Bulgarie et dans les Balkans

« Notre activité est très tournée vers l'international. Nous produisons du bœuf haut de gamme. Celui-ci est principalement destiné à l'étranger : l'Italie, la France, l'Allemagne. Le porc, qui jusqu'à maintenant partait en Russie, est désormais destiné au marché polonais. Mais nous ne baissons pas les bras, nous avons déjà réussi à récupérer 15 % de notre chiffre d'affaires export en nous tournant vers la Bulgarie ; les Balkans et notre marché endogène », poursuit Božena Kominska.

Le constat est le même chez Laczyk qui commercialise des pièces de viande et des steaks hachés essentiellement pour l'exportation (70 millions d'euros de chiffre d'affaires). « Nous produisons de la viande de bœuf haut de gamme qui n'a pas son équivalent en Europe. Nous sélectionnons les bêtes sur pied, et avons mis en place, avec un grand nombre de producteurs, un cahier des charges d'élevage. Nous sommes très fiers de notre travail et de la qualité des produits que l'on peut retrouver aujourd'hui dans les plus grandes brasseries parisiennes », s'enorgueillit Robert Lesniak, directeur des ventes de l'entreprise.

Nous ne baissons pas les bras, nous avons déjà récupéré 15 % de notre CA

Les intervenants de la filière pomme développent, eux aussi, des solutions pour accroître leurs exportations. La Coopérative Activ (100 agriculteurs, 60 000 t de fruits transformés par an) a lancé il y a cinq ans une gamme de jus de fruits pour valoriser sa ” production. Afin de faciliter les exportations, l'entreprise a imaginé une fontaine à jus de fruits en bag-in-box (Bib) de 3 litres. Les jus sont pasteurisés, ce qui permet d'afficher un DLC après>> ouverture de 30 jours. Sans ouverture, le jus peut se conserver douze mois. Outre l'innovation packaging, Activ propose aussi des cocktails de fruits pour le moins étonnant comme le jus pomme/betterave. Son process de fabrication lui permet d'avancer une composition 100 % naturel avec seulement des fruits pressés. L'entreprise argumente ainsi : « Un Bib de 3 litres de jus de pomme représente 5 kilogrammes de pomme. Nous voulons développer notre portefeuille de consommateurs vers l'Inde, les pays arabes et l'Europe de l'Ouest en leur proposant de consommer des fruits plus facilement », explique Piot Kacprzyk, représentant commercial de la marque.

LA POMME, SYMBOLE NATIONAL Focus

En Europe, la Pologne s'affiche comme le premier producteur de pommes avec 2,5 millions de tonnes récoltées par an. Jusqu'ici, 50 % de sa production partait à l'exportation vers la Russie ; un marché qui lui est désormais fermé. Les Polonais doivent donc trouver de nouveaux circuits de distribution et se tournent vers l'Europe de l'Ouest (Allemagne, Belgique, Italie, Autriche, Grande-Bretagne ou encore la France). Résultat : la pomme française se retrouve en concurrence avec la pomme polonaise dont la qualité n'a pas à rougir face aux fruits tricolores, mais dont le prix est bien plus bas grâce à un coût de la main d'œuvre faible, à des charges moins élevées et aux systèmes d'aides européennes. En Pologne, la pomme est bien plus que le premier produit d'exportation. Véritable fierté nationale, la pomme polonaise est devenue un outil d'expression politique. Ainsi cet été, les Polonais ont pu voir fleurir sur les réseaux sociaux une campagne non officielle qui incitait les Polonais à poster des photos d'eux en train de manger une pomme, en signe de protestation contre la politique de Vladimir Poutine. La campagne sera reprise par les instances officielles quelques semaines plus tard.

Surproduction de lait

L'industrie laitière polonaise tourne son regard, non pas vers l'Europe, mais en direction des pays du Maghreb, avec la poudre de lait. La coopérative Kolo qui compte près de 3100 agriculteurs transforme 190 millions de litres de lait par an. La poudre de lait représentant 60 % des volumes transformés, est exportée à 95 % vers l'Afrique, la péninsule arabique et l'Asie. « La consommation de produits laitiers en Pologne se fait à travers le beurre, le cottage cheese et la crème. Mais la production de lait dans le pays est bien supérieure à la consommation. Nous produisons donc de la poudre de lait incorporée à des graisses végétales (coco et palme) pour les pays tiers », explique Tadeusz Malczyk, vice-président de la coopérative.

Nous produisons de la poudre de lait pour les pays tiers

La Pologne semble ainsi s'adapter à l'embargo russe. Certains industriels laissent même entendre que la fin des exportations vers la Russie n'est pas une si mauvaise chose. « Les dossiers administratifs à remplir pour exporter en Russie sont titanesques. Il faut avoir plusieurs certifications de la part des autorités polonaises et russes, et les normes des différentes certifications changent tout le temps sans que les entreprises en soient informées. Pour les entreprises qui n'ont pas la puissance commerciale et administrative des grands groupes internationaux, le commerce vers la Russie est surtout une perte de temps », laisse échapper un industriel polonais.

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