Equilibre agricole
Il est des pays développés où le monde agricole pèse encore lourd dans la vie économique. C’est le cas de la Chine, qui compte 45% de sa population active dans le secteur de l’agriculture (contre 1,6% en France) et dont le produit intérieur brut agricole pèse 12,5% du PIB total (contre 2,8% dans notre pays). Le hic, c’est que la Chine, en misant tout ses immenses moyens depuis 20 ans sur l’industrie et les services pour peser dans le concert des nations, a fini par négliger l’équilibre de sa fragile agriculture, s’exposant à de mortels troubles sociaux. Le Parti, qui s’est retiré des affaires commerciales courantes mais contrôle toujours d’une main de fer l’administration des activités stratégiques, se rend compte aujourd’hui de son erreur. Une agriculture sans développement harmonieux porte en germe toutes sortes de pollutions, de déséquilibres sociaux, de misères humaines. Les autorités ont donc lancé un XIe programme quinquennal sur la «nouvelle ruralité socialiste» (sic) visant à rééquilibrer un tant soit peu la colossale croissance de la Chine vers les campagnes. Cruelle ironie de l’histoire de la part d’un pouvoir qui envoyait naguère par trains entiers les intellectuels à la campagne pour mieux les étouffer. Le déséquilibre agricole chinois, que nous abordons dans une série de reportages à paraître dans Les Marchés à partir d’aujourd’hui, devrait servir de leçons à ceux qui, en Europe, souhaiteraient porter le deuil de toute ambition pour l’agriculture européenne. Rendre les terres arables, construire des infrastructures rurales dignes de ce nom, bâtir une technologie agricole performante ne se fait pas en un jour. C’est le défi que va devoir relever le pays le plus peuplé du monde dans les années qui viennent.