Aller au contenu principal

En Argentine, Marfrig perd de l’argent

Entretien avec Rodolfo Mauro, gérant des exportations de bœuf de la filiale argentine du groupe Marfrig. Il explique aux Marchés les difficultés que rencontrent aujourd’hui les cinq grands abattoirs du groupe en Argentine.

LMH : Que représente aujourd’hui le groupe brésilien Marfrig en Argentine ?

R. M. : Marfrig possède en Argentine cinq grands abattoirs et trois usines de transformation. Ces outils ont été acquis entre 2006 et 2007. À l’époque, le principal rachat, l’entreprise Quickfood, a été effectué pour un montant de 240 millions de dollars environ. À l’heure actuelle, nous abattons en Argentine 50 000 têtes par mois en moyenne. Nos cinq abattoirs sont agréés pour l’export. Mais à cause de la pénurie de bétail actuelle, ils fonctionnent aujourd’hui à 50 % de leur capacité.

LMH : Les volumes d’exportation de bœuf sont-ils encore limités par le gouvernement ?
R. M. : Oui. Hors abats et viande cuite, nous exportons 2 000 tonnes par mois en moyenne. La moitié représente des morceaux de qualité qui partent vers l’Europe, principalement aux Pays-Bas et en Allemagne. Ces 1 000 t par mois se répartissent de la façon suivante : 800 t de rumsteaks, filets et faux-filets et 200 t d’entrecôtes fraîches et congelées. Ces jours-ci, les importateurs européens nous paient la tonne de bœuf Hilton 15 000 dollars.

LMH : Est-ce la meilleure affaire de votre entreprise ?
R. M. : Pas du tout. Nous gagnons davantage en vendant des hamburgers sur place. Nous avons 60 % de parts du marché local avec notre célèbre marque Paty. Celle-ci est un produit standard, bon marché et garanti de qualité. Mais comme tous les abattoirs implantés en Argentine, nous perdons de l’argent. Le prix du kilo carcasse est passé de 1,30 à 2,60 euros en un an. Dans le même temps, les prix de la viande n’ont pas tant augmenté.

LMH : Quel est le poids moyen des carcasses découpées pour l’export vers l’Europe ?
R. M. : D’abord, je rappelle qu’il y a aujourd’hui en Argentine une pénurie de bétail aussi bien pour le marché domestique que pour les marchés d’exportation. Le poids moyen des carcasses que nous découpons dans nos abattoirs est de 270 kg. D’autres travaillent des animaux plus lourds ou plus légers.

LMH : Ces animaux sont-ils engraissés à l’herbe ou aux grains ?
R. M. : Ils sont élevés à l’herbe et finis au grain les trois ou quatre derniers mois.

LMH : L’Argentine n’a fourni cette année que 60 % de son quota Hilton de 28 000 t attribué par l’Union européenne. Qu’en sera-t-il pour le cycle 2010-2011 ?
R. M. : Nous devrions remplir la totalité du quota, dans la mesure où la pénurie de bétail apte au quota Hilton ne s’aggrave pas. Si Marfrig-Quickfood a été la seule entreprise ayant fourni la totalité de sa part du quota Hilton de 2009-2010, c’est parce que le gouvernement a réparti ce quota entre les différents abattoirs du pays très tardivement.

LMH : Comment êtes-vous organisés au niveau commercial ?
R. M. : Nous sommes quatre commerciaux qui vendons la production de quatre abattoirs. Nous sommes en contact quotidien avec nos clients importateurs et courtiers. Notre service des exportations comprend également trois personnes en charge de la logistique et six autres pour la partie administrative. L’équipe est renforcée par trois « back-office ».

LMH : Avez-vous des agents en Europe ? Êtes-vous en contact direct avec vos clients européens importateurs de bœuf ?
R. M. : Nous n’avons pas d’agent commercial en Europe. Parmi nos clients figurent de grands importateurs hollandais et allemands qui vendent des caisses et des palettes à des chaînes de restaurants et supermarchés. En Europe, nous ne travaillons pas avec des courtiers.

LMH : Avez-vous un accès direct au marché de Rungis ?
R. M. : Non.

LMH : Comment s’annonce l’année 2011 pour vous ? Quel volume pensez-vous exporter ?
R. M. : Pour les exportations, cela dépendra de l’offre de bétail fini et de décisions prises au plus haut niveau de l’État argentin (par la présidente Cristina Fernández de Kirchner, NDLR). Les permis d’exportation de bœuf attribués dépendent actuellement du volume écoulé sur le marché interne au prix « officiel », fixé par le gouvernement. Pour chaque tonne de morceaux de la partie arrière de l’animal vendue à des boucheries implantées dans certains quartiers défavorisés de la banlieue de Buenos Aires, le gouvernement nous laisse exporter deux tonnes. Mais le prix fixé par le gouvernement est bas. Nous perdons de l’argent ! C’est simple : la valeur du bétail a augmenté depuis septembre 2009 de 1,30 à 2,60 euros par kilo de carcasse, tandis que le prix de la viande, tous marchés confondus, n’a progressé que de 20 à 25 %.
Pour répondre à votre première question, l’année 2011 sera donc difficile. Le bétail manque toujours et la politique argentine ne changera pas.

LMH : Les groupes JBS et Marfrig ont acquis ces dernières années d’importants abattoirs argentins. Peut-on dire que les Brésiliens se sont accaparés du « bœuf argentin » pour l’export ?
R. M. : Je rappelle que JBS et Marfrig ont pu acheter ces abattoirs et usines grâce aux généreux crédits de la Banque nationale de développement du Brésil, qui est une banque d’État. Cela ne change rien à l’image de la viande bovine argentine qui demeure dans l’esprit des consommateurs la meilleure et la plus savoureuse au monde.

Les plus lus

poules pondeuses en élevage au sol
Prix des poules pondeuses – Cotation réalisée le 14 août 2025

La CPP (Cotation poule pondeuse) est publiée dans Les Marchés le lundi reflète les prix de la semaine précédente. La CPR (…

petit veau dans sa niche
Prix des petits veaux : après une courte baisse cet été, la tension revient

Les prix des petits veaux se sont tassés au mois d’août, tout en restant à des niveaux inédits pour la période. Mais la baisse…

Chargement d'un camion de pomme de terre. Acheminement sur un tapis.
Pourquoi les prix des pommes de terre industrie ont-ils tant plongé cet été ?

Les volumes de pomme de terre primeurs pour l’industrie qui ne sont pas contractualisés ne trouvent actuellement pas preneurs…

brebis en bergerie
« En trois ans, on a perdu 617 000 agneaux ! » : comment la filière ovine veut enrayer la baisse de production

Les abattages d’agneaux reculent depuis 4 ans, mais la filière croit au potentiel et pousse à travailler au cœur de chaque…

viande dans un carton
Viande bovine : pourquoi notre déficit commercial s’est réduit de 10 000 t au premier semestre 2025

Les exportations françaises de viande bovine progressent au premier semestre, malgré le manque de disponibilité et les prix…

bateau porte conteneur
Viande bovine : pourquoi les exportations australiennes battent des records début 2025

La hausse de la production australienne de viande bovine rencontre une demande mondiale particulièrement dynamique. Résultat,…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Les Marchés
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez vos publications numériques Les Marchés hebdo, le quotidien Les Marchés, Laiteries Mag’ et Viande Mag’
Recevez toutes les informations du Bio avec la newsletter Les Marchés Bio