Emploi : « la situation dans les IAA reste largement tendue »
LM : A quelques jours de la fin de l’année, quel bilan tirez-vous de 2005 pour l’emploi dans l’agroalimentaire ?
Hervé Garnier : Les chiffres des deux premiers trimestres ne nous rendent pas trop optimistes. Au 30 juin 2005, le nombre d’emplois dans les entreprises agricoles et agroalimentaires était de 566 500 : c’est 1,2 % de moins qu’en juin 2004. Par rapport à l’ensemble du secteur industriel hors construction (-2,4 %), l’agroalimentaire s’en sort plutôt mieux et la part du travail assumée par les intérimaires diminue. Mais la situation reste largement tendue. Des signes très inquiétants nous laissent penser que Nestlé va continuer à licencier. Aujourd’hui Hollywood (propriété de Cadbury schweppes) devrait annoncer une restructuration du Comptoir européen de la confiserie à St-Genest-d’Ambière (dans la Vienne). 59 postes seraient menacés sur les 258 du site, alors que Cadbury Schweppes n’enregistre pas de difficultés sur ce secteur (ndlr : lire LM d’hier). Sinon, les rumeurs courent toujours autour de la branche biscuits de Danone. Autre signe inquiétant : nous venons de négocier les salaires dans le secteur représenté par Alliance 7, celui des glaces et des industries diverses et nous avons vraiment senti que le moral n’y était pas du côté du patronat.
LM : Quel impact a eu la politique récente du gouvernement en matière d’emploi sur l’agroalimentaire, comme le contrat nouvel embauche ? Et que pensez-vous des dernières décisions : l’apprentissage à 14 ans, le contrat de transition professionnelle (CTP) et le développement de l’actionnariat salarié ?
H.G. : Nous n’avons pas assez de recul sur le contrat nouvel embauche. C’est utilisé dans l’agroalimentaire mais j’ai plutôt le sentiment qu’il s’agit de transfert de contrats. Ce n’est pas la nature du contrat qui fait l’embauche et nous sommes très récalcitrants à ce genre de contrat qui crée des strates différentes entre salariés des grandes et petites entreprises ! Pour l’apprentissage à 14 ans, nous n’en pensons pas beaucoup de bien. Ce n’est pas en faisant entrer des jeunes qui n’ont pas acquis les bases en apprentissage que l’on réglera le problème des banlieues. En plus, on donne une image catastrophique de l’apprentissage qui serait une filière bis alors qu’elle est noble, comme l’enseignement lui-même. Notre problème c’est justement de valoriser l’apprentissage. Quant au contrat de transition professionnelle, c’est bien de faire des choses pour les gens qui sont au chômage mais que fait-on pour que les gens ne s’y retrouvent pas ? Le vrai problème c’est la prévention. Pour l’actionnariat salarié, comme le gouvernement est incapable de peser sur la négociation de branche, il encourage l’actionnariat salarial qui ne concerne que les entreprises cotées en bourse. Mais la vraie question c’est la rémunération.
LM : L’amélioration des conditions de travail fait partie de vos priorités, comment évolue ce dossier et quid de la lutte contre le travail illégal ?
H. G. : La négociation sur la rémunération de la pénibilité du travail avance, mais péniblement. Sur l’aspect prévention, le projet d’accord est à peu près calé, mais ça coince au niveau de la réparation. Le Medef ne veut pas payer. Nous avons demandé à rencontrer Jean-René Buisson et les grandes branches (la FNSEA, Coop de France...) début 2006. Concernant l’amélioration des conditions de travail, nous avons abouti sur l’emploi des seniors. L’industrie laitière l’a signé, reste les autres secteurs. Pour le travail illégal, peu de volonté politique porte sur ce dossier. En 2006, nous allons nous battre sur les contreparties d’exonération des charges sociales. Des engagements en termes d’emploi et de qualité de l’emploi devraient être exigés.