E.Leclerc : Scarmor étend sa marque « Les éleveurs de Bretagne »

De gauche à droite : Bertrand Chrétien et Bruno Roudaut, deux adhérents E.Leclerc pilotes de l'opération « Les éleveurs de Bretagne » pour Scarmor, et Rémy Jestin, président de Scarmor, centrale d'achats des 42 supers et hypers E.Leclerc de l'ouest-Bretagne.
Il y avait du monde, mercredi 23 avril à Landerneau, à la réunion de presse de la Scarmor, centrale d'achats des 42 supermarchés et hypermarchés E.Leclerc de l'ouest-Bretagne sur sa marque « Les éleveurs de Bretagne ». Une bonne vingtaine de représentants de groupements et d'industries agroalimentaires avaient répondu présent à l'invitation de la centrale. À dire vrai, cette réunion tenait plus du bilan de l'opération, lancée il y a trois ans, que d'une série d'annonces à l'exception du lancement prochain d'une truite fumée née, élevée, abattue puis fumée en Bretagne. Précisément chez Bretagne Saumon (Château-neuf-du-Faou), société du groupe Guyader Gastronomie.
Manifestement, le plus grand distributeur de Bretagne avec des ventes de 2,5 milliards d'euros l'an passé (dixit le président de la Scarmor, Rémy Jestin) avait d'autres intentions. Il souhaitait rappeler l'engagement « solidaire » de E.Leclerc dans l'économie pour « préserver l'emploi breton ». Et dire qu'un animal « né, élevé et abattu en Bretagne » doit rassurer « un consommateur soucieux d'acheter une viande (…) dotée d'une origine et d'une traçabilité sans faille », précise E.Leclerc. Un message passé opportunément alors que l'on parle de plus en plus de défiance des consommateurs envers les produits alimentaires vendus en grandes et moyennes surfaces.
Partenariat avec des producteurs en criseSi les premiers produits sous marque « Les éleveurs de Bretagne » apparaissent en rayon en 2010, c'est en fait au milieu des années 2000 que la marque est créée. À l'époque, E.Leclerc a déjà mis sur orbite deux marques de filière à connotation régionale : l'une partagée avec d'autres enseignes « Cochon de Bretagne », l'autre propre à ses magasins « Amiral de Bretagne » en produits de la mer. Le président de la Scarmor de l'époque, Jean-Michel Bordais, souhaite agir de la même manière en viande bovine. Il se rapproche de la plus importante coopérative de commercialisation de bovins de Bretagne, Sicamob. Les éleveurs sont d'accord. Mais la DGCCRF s'y oppose. E.Leclerc se retrouve avec une marque sur les bras qui sert un temps pour du lait de Bretagne.
Parmi les responsables professionnels présents à la réunion de la Scarmor figurait Gilles Huttepain, membre du directoire de LDC et président de la Fédération des industries avicoles. À ses yeux, « cette démarche a tout pour rassurer le consommateur: elle démontre le savoir-faire des éleveurs, prouve l'honnêteté de leurs pratiques et garantit des produits sains. En soi, c'est la démarche du XXIe siècle ». Pour Jean-Michel Choquet, producteur de dindes et responsable professionnel du secteur volailler breton, la démarche apaise «quinze ans d'affrontements ». « En nous rapprochant, nous nous sommes rendu compte que nous partagions l'amour de notre région et la défense de son économie agricole et agroalimentaire », dit-il. La démarche remplira tous ses objectifs quand elle convaincra totalement le consommateur de la bonne qualité du produit.
Elle est finalement élargie à la fin des années 2000, sous l'impulsion d'une poignée d'adhérents E.Leclerc de la Scarmor. L'enseigne veut reprendre la main dans son offre et son partenariat avec des producteurs confrontés à des crises à répétition dans les filières animales (lait, porc, œufs…). Un évènement va précipiter leur travail : l'occupation de la centrale d'achats par les paysans en 2008. Opération très mal vécue par le distributeur. «Ça a été un choc», glisse même Bruno Roudaut, un des principaux artisans de la marque chez E.Leclerc, lui-même propriétaire d'un hypermarché des Côtes-d'Armor. Le groupe d'adhérents multiplie les rencontres avec les représentants des différentes filières. Les partenaires finissent par se rapprocher, autour d'un cahier des charges on ne peut plus simple: «né, élevé et abattu» en Bretagne, avec un packaging sobre mais efficace, un code couleur unique, le noir.
Succès pour la volailleL'opération démarre en 2010 avec la dinde (de Duc et de Cecab), suivie quelques mois plus tard par le poulet (Doux). Ce sont des produits certifiés, sous les rares signes de qualité présents en Bretagne, comme le label Rouge des Fermiers de l'Argoat. Il y a aussi la marque des « Éleveurs de l'Ouest », utilisée uniquement pour les produits de volaille standard. L'opération remporte tout de suite un franc succès. Dans les 42 points de vente E.Leclerc approvisionnés par la Scarmor, «les ventes en dinde plafonnaient à 40 tonnes par an en marque Repère, elles atteignent désormais 190 tonnes », se réjouit Bruno Roudaut. Idem en poulet dont les ventes ont bondi « de 7080 tonnes à 290 tonnes par an ». Dans certains points de vente, la gamme de produits volaillers des Éleveurs de Bretagne en libre-service représente jusqu'à 30 % de l'offre sous signe de qualité.
“Scarmor travaille à étendre la marque Bretagne aux fruits et légumes ”
Un succès d'autant plus remarquable que le distributeur s'est abstenu de toute publicité, se contentant d'organiser ici et là des rencontres entre éleveurs et consommateurs. En Bretagne, le choix a été vite fait entre une marque Repère «anonyme» et une référence identitaire claire. En trois ans, la gamme s'est élargie progressivement à d'autres références en volaille. Il y a désormais du canard (LDC), du foie gras (LDC), des œufs, et même du coquelet (Savel) depuis peu. Il y a aussi des morceaux de lapin (Bretagne Lapin) et une gamme de pro-
duits laitiers qui s'étoffe peu à peu. Au lait UHT (Lorco) des débuts ont été ajoutés du beurre (Sill) et de l'emmental (Entremont).
Entremont, depuis marsPour certains industriels, l'aventure ne fait que commencer, comme Entremont depuis mars. Pour d'autres, comme Lorco, le débouché des Éleveurs de Bretagne pèse un peu plus de 10 % de son volume de production en lait UHT. Certains d'entre eux ont dû adapter leurs process pour livrer à E.Leclerc des barquettes en poids fixes ou en poids variables. Le jeu en vaut la chandelle, semble-t-il. Dans le futur, d'autres partenaires agricoles et agroalimentaires rejoindront « Les éleveurs de Bretagne ». En truite fumée, et peut-être aussi en fruits et légumes. La Scarmor y travaille, sans plus de précisions.