D’un scandale l'autre
Une bactérie toxique dans une mêlée de viande hachée et en voilà bientôt une centaine, des milliers. Trois tonnes de steaks prennent le chemin de la distribution et des milliers de consommateurs en achètent. La contamination est allée vite, celle des médias aussi. Le mardi de Pâques, « le Parisien » fait sa une sur « l'alerte à la viande avariée ». Aussitôt, radios et télés s'en emparent. Entre collègues, on ne parle que de ça. Des millions de gens sont au courant. L'affaire grimpe au rang de scandale national. L'ivresse des nombres y contribue. Trois tonnes de steak, c'est énorme aux yeux du particulier, même si 600 tonnes sortent chaque jour de chez Socopa. Mais il faut des victimes. Quand l'affaire éclate, il n'y en a pas. Il faut convoquer celles de l'affaire précédente, en 2005 : une bonne centaine, dont une majorité d'enfants. Il faut aussi des responsables : Socopa, Carrefour, Monoprix ? Tous sont soupçonnés d'omerta : ils « savaient » mais ils ont attendu que les steaks soient achetés pour le dire. Les mots, choisis à contresens, n'améliorent pas la position des entreprises concernées : si la viande est « avariée », c'est que des faiseurs indélicats l'ont laissée pourrir. L'affaire n'avait pas l'importance qu'on lui a accordée ? Peu importe, il ne fallait pas laisser connaître des résultats positifs à la veille de Pâques, quand l'actualité tend à s'endormir. De toute façon, la bactérie médiatique a déjà muté. Elle a pris les dehors d'un blanc trompeur, celui de la mozzarella di buffala que la rumeur a heureusement démasqué. Autour de ce fromage sans odeur flotte désormais le parfum sulfureux des déchets des rues de Naples et des complots ourdis par la Camorra. Cette histoire là est imbattable, on va la garder quelques semaines.