Des Japonais investissent dans le thon en Bretagne
La petite usine ressemble plus à un atelier. Étendu sur 775 m2 à l'entrée de la ville côtière de Concarneau, il comprend un espace de réception-décongélation, d'éviscération, des cellules de fumaison et de séchage et une salle blanche dédiée à la découpe fine de la bonite (thon listao) et de son conditionnement. L'investissement se chiffre à environ 2 millions d'euros. Six personnes recrutées localement vont y travailler sous le contrôle de deux artisans japonais.
Makurazaki France vise dans un premier temps la production quotidienne de 200 kg de flocons de bonite (lamelles de 0,25 à 0,30 mm) à partir de 1 tonne de matière première pêchée dans l'océan Indien par la Compagnie française du thon océanique (CFTO) concarnois. Puis, selon les besoins de l'étroit marché des restaurants japonais et épiceries fines en France et en Europe, la production pourrait doubler à terme. Mais la direction refuse de fixer le moindre calendrier.
Transfert de savoir-faireIl n'a échappé à personne que le respect de la tradition fait partie de l'ADN du Japon. L'histoire veut que les investisseurs japonais aient pris la décision de construire cette unité après une visite de Katsuhiko Oishi à Paris. L'actuel président-directeur général de Makurazaki France, également propriétaire d'une société spécialisée dans le katsuobushi au Japon, n'avait pas retrouvé la saveur de cet ingrédient traditionnel dans les plats de cuisine japonaise qu'on lui servît (lire encadré). De retour dans la ville de Makurazami, un des principaux sites de fabrication du pays du katsuobushi, l'industriel prend contact avec d'autres opérateurs. Ensemble, ils décident d'investir en Europe et de transférer leur savoir-faire. Après de multiples études et de contacts, leur choix se porte sur la Bretagne et Concarneau « pour construire la première usine hors du Japon en capacité de fabriquer et de conditionner le katsuobushi », explique Katsuhiko Oishi.
Outre son activité de pêche côtière, la ville portuaire a une tradition thonière depuis de nombreuses années, de ce thon pêché dans l'océan Indien ou dans le sud de l'Atlantique. Le principal armement français au thon, la Compagnie française du thon océanique – rachetée début juillet par le Néerlandais Parlevliet & Van der Plas – y a d'ailleurs installé son siège et dispose sur place d'entrepôts frigorifiques.
Le katsuobushi et le kombu (algue) sont les ingrédients de base du dashi, bouillon utilisé pour bien des plats dans la cuisine japonaise. Il procure une saveur particulière, l'umami, aux côtés de saveurs connues en Occident (sucré, salé, acide, amer). C'est précisément cette saveur que Katsuhiko Oishi n'a pas ressenti lors de sa dégustation de plats japonais en France, lors d'une visite entreprise il y a trois ans. « La soupe au miso n'avait pas le goût du dashi », dit-il simplement, reconnaissant par là que la vraie tradition culinaire japonaise n'était pas présente en Europe. C'est cette petite histoire qu'il a racontée pour expliquer sa décision d'investir en Bretagne.
La CFTO arme treize des vingt-deux thoniers océaniques français. C'est auprès de cet armement que Makurazaki France s'approvisionne en thon listao ou bonite. Le travail de fond des élus de la région Bretagne et des élus locaux a fait le reste. La production vient tout juste de démarrer. « Au Japon, il nous faut vingt jours pour transformer la bonite en fins copeaux. Nous avons réduit le temps de la transformation de moitié en France », poursuit Katsuhiko Oishi.
L'industriel ne donne aucune information sur ses prévisions de chiffre d'affaires. À n'en pas douter, il devrait être élevé. Le katsuobushi présent sur le marché français, spécialement importé du Japon, se négocie autour de 100 euros le kilogramme.