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Crise agricole : « la force vive » de l'élevage français menacée

La crise, qui touche actuellement l'ensemble des filières élevage, frappe de plein fouet les exploitations ayant investi récemment. Les aides accordées dans le plan de soutien à l'élevage français ne suffisent pas à éclaircir l'horizon des producteurs.

Depuis deux semaines, les manifestations d'éleveurs se succèdent dans toutes les régions. « Une crise qui dure, c'est une mutation », affirmait Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB), lors de la conférence de presse précédant l'Assemblée générale de son syndicat, les 3 et 4 février derniers. « Est-ce qu'on peut sauver tout le monde ? Nous sommes en droit de nous poser cette question. » Pour lui, le drame, c'est que « ce sont les éleveurs qui ont investi qui sont sur la corde raide ». C'est « la force vive de l'élevage français ». Un constat partagé par Dominique Barrau, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). « D'après une étude que nous avons menée, les 25 % des élevages les plus résistants sont ceux qui n'ont pas investi récemment. »

Des aides «insuffisantes» face à l'endettement

Pour répondre à cette crise, le gouvernement a adopté en juillet dernier un plan de soutien à l'élevage, qui a été renforcé en septembre 2015 et complété fin-janvier 2016. L'ensemble des mesures structurelles et conjoncturelles mises en place correspondaient, au départ, à un montant total de 700 millions d'euros. Le ministre de l'Agriculture a annoncé le 26 janvier compléter le plan de soutien à l'élevage de 125 millions d'euros. Le fonds d'allègement des charges (Fac) a été doté au global d'une enveloppe de 150 millions d'euros. Au 5 janvier, le ministère annonçait que près de 60 000 dossiers avaient déjà été déposés pour ce fonds, dont 35 500 considérés comme éligibles. Parmi eux, 3700 dossiers de demande d'aide à la restructuration des prêts ont été enregistrés, dont près de 400 dans le cadre d'une année blanche totale. Au 21 janvier, 15 000 dossiers Fac ont été traités pour une aide globale de 42 millions d'euros. Les éleveurs ont finalement jusqu'en juin 2016 pour déposer leur dossier concernant les mesures de restructuration des dettes. «Les critères d'attribution prennent notamment en compte le taux d'endettement, dont les dettes fournisseurs, par rapport au chiffre d'affaires de l'exploitation », explique Dominique Barrau.

25 % des élevages les plus résistants n'ont pas investi récemment

Pour les éleveurs, bien que ces mesures apportent une bouffée d'oxygène, elles restent insuffisantes. Lors d'une manifestation le 27 janvier, Philippe Jehan, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Mayenne, indiquait que « seulement 800 producteurs mayennais, sur 1 700 dossiers déposés, ont été indemnisés». Dans l'Aveyron, « 3 500 exploitations ont fait une demande, 3 000 ont été jugées éligibles, et seulement 600 exploitations vont recevoir l'aide », note-t-on à la FNB. En moyenne, les éleveurs éligibles devraient toucher 3 000 euros environ. « Beaucoup de demandes sur le Fonds d'allègement des charges n'ont pas été honorées », notait Xavier Beulin, président de la FNSEA, lors d'une conférence de presse, le 27 janvier. « La situation dans les élevages est terrible. Certaines exploitations porcines perdent jusqu'à 6 000 euros par semaine. Dans le lait, c'est 500euros par semaine», poursuit-on à la FNSEA. Au total, avec les mesures spécifiques de 165 millions d'euros pour les filières touchées par les épizooties (grippe aviaire et fièvre catarrhale ovine), ce sont près de 1 milliard d'euros d'aide qui ont été annoncés le 26 janvier par Stéphane Le Foll. Pour Xavier Beulin, « en réalité, seuls 400 millions d'euros ont été engagés sur les fonds publics, dont 63 millions viennent du plan européen annoncé par Phil Hogan le 7 septembre ».

Un rapport parlementaire

Face à la crise, la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a mandaté Annick Le Loch, députée PS du Finistère, et Thierry Benoît, député UDI d'Ille-et-Vilaine, pour écrire un rapport sur l'avenir de l'élevage français. Il vise à dresser un état des lieux de « la situation et faire des propositions ». La députée s'est engagée à rencontrer les différents acteurs, organisations professionnelles et parties prenantes des filières agricoles. Elle aurait déjà auditionné les groupements de producteurs, les industriels, les promoteurs de labels, les coopératives, les syndicats, les chambres consulaires, la grande distribution, la restauration collective, les experts-comptables, les centres de gestion, les instituts techniques et les interprofessions. Sans oublier, les observatoires et le médiateur des relations commerciales, ainsi que la Commission européenne, les membres du Parlement européen et des syndicats européens. « Nos travaux nous conduirons très prochainement en Espagne et en Allemagne », ajoute-t-elle dans un communiqué.

Certaines exploitations porcines perdent jusqu'à 6 000 euros par semaine

Le 30 janvier, la députée a reçu la visite d'une délégation d'agriculteurs lors de sa permanence à Pont-l'Abbé, pendant près de deux heures. Elle s'est engagée à faire part de cet échange à Stéphane Le Foll. Les conclusions de son rapport devraient être rendues début mars, « avec l'ambition d'apporter des réponses opérationnelles et pérennes à l'agriculture et à l'agroalimentaire ».

OPÉRATION FERMES OUVERTES

Pour sensibiliser les filières et les politiques aux conséquences de la baisse des prix, les Fédérations départementales des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) vont inviter différents acteurs sur le terrain. Du 8 au 12 février, ce sont les opérateurs commerciaux, et notamment les responsables des achats dans la grande distribution, qui pourront venir visiter des fermes de leur département. Les fédérations reconduiront ensuite l'opération la semaine suivante, du 15 au 19 février, avec les parlementaires français et européens. « Il est important qu'ils prennent conscience de la situation des agriculteurs français», souligne Dominique Barrau, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

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