Cooperl : le résultat sera investi dans la production
Les Marchés : Vous êtes le nouveau directeur général de la Cooperl depuis le 1 er janvier. Comment vous, fils de votre prédécesseur, Jean-Claude, êtes-vous arrivé à ce poste ?
Emmanuel Commault : Je travaillais en région parisienne chez Chopin Technologies, dans le contrôle qualité des céréales lorsque j’ai été contacté par des élus du conseil d’administration de la coopérative. Ce qui m’a plus dans ce challenge, c’est la mission de la coopérative. Donner le maximum de valeur aux 1 200 adhérents d’une coopérative et à ses 2 600 salariés (NDLR : 3,5 millions de cochons produits, autant d’abattus, 320 000 tonnes de viande et 30 000 de salaisons), c’est une vraie mission, un objectif important pour laquelle il est digne de mettre toute son énergie. A la Cooperl, nous sommes fiers d’être une entreprise performante à statut coopératif.
Les Marchés : Vous avec pris vos fonctions officiellement le 1er janvier, en pleine tourmente sur les marchés du porc. Quelle est votre vision de la situation actuelle ?
Emmanuel Commault : La situation est très difficile pour les producteurs qui ont perdu en moyenne 30 euros par porc en 2007. Des élevages commencent à éprouver des difficultés. La crise a commencé il y a six mois, mais le plus dur, nous l’attendons dans les deux à trois mois à venir.
Nous vivons actuellement une grande distorsion de concurrence entre les grands bassins européen, américain et brésilien. Les Américains nourrissent leurs cochons principalement avec du maïs OGM qui revient à 140 euros la tonne, les Européens avec des céréales dont la tonne avoisine les 240-260 euros et représente 80 à 85 % du prix de l’aliment. L’Union européenne s’interdit d’introduire certaines farines animales dans l’alimentation animale qui feraient baisser le coût alimentaire.
LM : Quelles sont vos faiblesses ?
Emmanuel Commault : Nous avons des contraintes environnementales fortes qui empêchent toute restructuration de la production. Produire un porc européen coûte 30 à 40 euros plus cher qu’un porc américain ou brésilien. Cette distorsion n’est pas supportable à long terme. On a affaire à des PME indépendantes et familiales qui risquent de fermer. Ce qu’on peut envisager à moyen terme, c’est la réduction de la production européenne et l’accroissement des importations. La filière européenne pourrait alors souffrir encore plus.
LM : En quoi cette crise modifie-t-elle la stratégie de Cooperl ?
Emmanuel Commault : Nous avons toujours la volonté de développer la valeur ajoutée. Mais nous avons d’autres priorités avec la crise traversée par les élevages. Cette année, nous allons investir l’essentiel de notre trésorerie chez nos adhérents. Cette décision sera prise dans le courant du second trimestre en conseil d’administration, mais notre résultat n’est pas du tout au même niveau qu’en 2006. Nous ne savons pas quand le prix mondial va remonter. Dans ce contexte, envisager une opération de croissance externe qui mobiliserait la trésorerie et générerait de l’endettement n’est pas d’actualité. Que ce soit dans la salaison (nous avons pris l’année dernière 20 % de Bazin) ou dans l’abattage. Nos clients salaisonniers sont actuellement très compétitifs, nous n’avons donc aucune valeur à apporter. Au niveau de l’abattage, avec 3,5 millions de porcs abattus par an, nous parvenons à entrer sur tous les marchés européens. Là non plus nous n’avons pas de velléités particulières. En interne il y a encore beaucoup de développements à réaliser, en particulier dans les UVCI. Nous n’en sommes encore qu’au début. Cooperl élabore en UVCI moins de 10 % de ses viandes (320 000 tonnes en 2007). Mais c’est une voie d’avenir : nous avons investi dans ce process en 2005 et 2006 à Lamballe, l’année dernière à la Tour-du-Pin (Isère).
LM : Et quels projets avez-vous en externe ?
Emmanuel Commault : Nous réfléchissons avec d’autres structures pour réduire nos coûts. Par exemple avec ARCA, notre partenaire dans la génétique (Nucléus) et avec lequel nous discutons sur différents thèmes, comme le transport de porcs charcutiers. Quant à notre contentieux avec l’interprofession, Inaporc, je rappelle ici que nous ne sommes pas hostiles au principe d’une interprofession. A condition qu’elle ait des objectifs partagés et précis, et soit représentée en fonction du poids économique des bassins de production. Nous estimons que ce n’est pas le cas aujourd’hui.