Consommation « engagée » : un mouvement à surveiller de près
En 2006, 29 % des consommateurs disaient tenir souvent compte des engagements citoyens des entreprises avant d’acheter leurs produits, contre 26 % quatre ans plus tôt selon une étude du Crédoc. En parallèle, le chiffre d’affaires du commerce équitable ne représenterait aujourd’hui que 3 ou 5 euros/consommateur/an, selon les sources. « C’est normal qu’il y ait ce type de décalage, c’est encore trop tôt pour savoir si les comportements vont suivre. Nous sommes sur un thème très minoritaire, mais à mon sens porteur de rupture », a estimé hier Robert Rochefort, directeur du centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) lors d’un atelier de la consommation, organisé par la DGCCRF sur la consommation engagée.
L’avenir de ce type de consommation, qui consiste à incorporer l’intérêt général dans ses critères de choix, « se joue par le comportement d’amorce d’une minorité de consommateurs » ajoute l’expert, précisant que le relais législatif sera aussi déterminant. Le Crédoc distingue actuellement trois types de consommateurs engagés : les consommateurs réfléchis attentifs aux questions de l’emploi, du terroir, des métiers traditionnels (80 % des consommateurs), les « anti-gaspillages » (40 à 50 % d’entre eux) et les plus exigeants qui achètent des produits bio ou issus du commerce équitable (5 à 10 % seulement).
Industriels et distributeurs s’y préparent
Eric Fouquier, p-dg du cabinet d’études de consommation Théma, évalue, pour sa part, à 15 % le nombre d’alter-consommateurs au sein de ses groupes de paroles. Et d’après son expérience internatio-nale, il s’agit d’un mouvement de fonds. « 91 % des Français se disent prêts à boycotter des entreprises pour des raisons éthiques et 26 % l’ont déjà fait », argumente-t-il.
« Mais pour l’instant, il n’y a pas d’offre alternative », affirme-t-il. Ayant compris l’émergence de ce mouvement, industriels et distributeurs seraient actuellement en train de préparer leur offre. « Dans trois ou quatre ans, le paysage ne sera pas le même », prévoit Éric Fouquier. Les grands groupes entrent également dans une logique de croissance externe, à l’image d’Unilever qui a racheté la citoyenne Ben&Jerry’s ou encore de Danone qui, grâce à l’acquisition de Stonyfield, vient de lancer la marque les 2 Vaches. Proposer des produits plus citoyens c’est bien, mais « attention à l’habillage, le consommateur est très cynique et doute », prévient Dominique Roux, professeur à l’univer-sité Paris 12.
Un phénomène d’entrée en résistance des consommateurs existe notamment aux États-Unis et Internet rend « le risque de viralisation important », analyse-t-elle. La multiplication des dispositifs marchands, des outils de fidélisation notamment, peut contribuer à braquer une marge des consommateurs, avertit-elle encore.