Comment les produits frais peuvent rebondir à l’export

Les exportations de produits frais n’échappent pas à la tendance générale qui affecte le commerce extérieur agroalimentaire français. Les filières concernées peinent à conserver leurs positions, en particulier en Europe, mais voient s’ouvrir de nouvelles opportunités sur les pays tiers, selon une analyse réalisée par Business France.
Christophe Monnier n’avait pas que des bonnes nouvelles à apporter aux grossistes et autres professionnels participants aux 10es entretiens de Rungis qui se sont déroulés à Paris le 3 octobre. En ouverture des débats consacrés cette année aux « tendances et opportunités en matière d’export de produits frais », le chef du département Agrotech de Business France a livré un panorama sans concessions de la situation commerciale de la France face à ses principaux concurrents, heureusement empreint de quelques perspectives plus optimistes pour les années à venir. Le responsable de l’agence publique a estimé la part des produits frais dans les exportations agroalimentaires françaises à environ 15 %, soit 9,2 milliards d’euros en 2015, sur un total de 59,5 milliards d’euros. Un chiffre qui a certes progressé de 9,2 % sur les cinq dernières années, mais masque une perte de concurrence sur les marchés extérieurs et de très fortes disparités entre secteurs. « En matière de produits frais, la France est essentiellement un grand pays importateur », a tenu à rappeler Christophe Monnier. « Si nous sommes le 13e exportateur mondial de viande, nous sommes aussi le 8e importateur. De même, la France figure au 14e rang des exportateurs de fruits, mais au 6e rang des importateurs et en 8e place pour les exportations de légumes, mais en 5e pour les importations », a-t-il détaillé. Les produits laitiers français, avec leur solde commercial très largement positif et une position de quatrième exportateur mondial, font figure d’exception. « C’est dans ce secteur que l’on note la plus grande vitalité française à l’export, avec les produits de la mer », a souligné Christophe Monnier. « Cela s’explique par le dynamisme de la demande des pays tiers, mais aussi sans doute par la puissance des opérateurs, cinq groupes laitiers français figurant dans le top 25 mondial », a-t-il précisé.
La crise en Europe du Sud a fait des dégâts
Pour le reste, la situation est peu reluisante. « La part de la France dans les exportations européennes de viandes a reculé de quatre points en dix ans, au bénéfice, pour l’essentiel, de l’Allemagne, de l’Espagne et de la Pologne », a poursuivi l’expert. Les entreprises françaises ont fait les frais de la déstabilisation durable des pays d’Europe du Sud, ses marchés traditionnels (Espagne, Italie, Grèce) par la crise économique. Les acheteurs de ces pays se tournent désormais vers des viandes à bas coût sur lesquelles la France est vivement concurrencée en Europe. En fruits comme en légumes, les exportations françaises reposent sur quelques produits phare (la pomme représente notamment 45 % des exportations françaises de fruits) qui sont très dépendants des marchés européens, dont la croissance est relativement faible. 75 % des exportations françaises de fruits sont destinées à l’Union européenne et 67 % de celles de légumes. « Sur ce marché intérieur, la concurrence avec l’Espagne ou encore les Pays-Bas est très forte, et la valorisation pas toujours au rendez-vous », note Christophe Monnier.
Le rebond du commerce extérieur français pourrait bien passer, en matière de produits frais comme en agroalimentaire en général, par le développement des ventes sur les pays tiers. Les exportateurs français de viandes ont des opportunités sur les marchés qui se sont récemment rouverts : la Corée du Sud et Taïwan pour la viande porcine, le Japon, le Vietnam ou l’Arabie saoudite pour la viande bovine, la Chine pour la charcuterie. « La France y est reconnue pour sa maîtrise sanitaire et attendue avec des produits premium », a commenté Christophe Monnier. En fruits et légumes non plus, le grand export n’est pas à négliger. « On note des évolutions très favorables sur un an des exportations de légumes sur certaines destinations comme le Moyen-Orient – +57 % vers les Émirats arabes unis –, l’Algérie ou encore l’Afrique avec +40 % vers la Côte d’Ivoire ou +13 % vers le Sénégal », note le responsable de Business France.
Un effort mérite d’être fait selon lui dans un plus grand ciblage des marchés, y compris sur le territoire européen : « on s’est aperçu par exemple qu’il existait une demande forte de fruits français sur des destinations comme la Suisse, l’Autriche ou l’Irlande. Or, ce sont aussi des marchés bien valorisés ». De la même manière, des flux émergent en faveur des légumes français vers les pays du Nord et de l’est de l’Europe, en attente de produits nouveaux et de meilleure qualité que l’offre locale. De manière générale, la France est attendue sur les produits de qualité, voire premium. « À contre-courant de certaines tendances, on enregistre ainsi de bons résultats avec la marque Charoluxe en Allemagne, note Christophe Monnier, la qualité et la sécurité sanitaire sont les arguments principaux en faveur des produits frais français. »
À l’issue de cette présentation, Valérie Quéré, directrice export de l’Ania, a vivement encouragé les PME du secteur des produits frais à privilégier une démarche collective. « Les deux tiers des exportations françaises agroalimentaires sont réalisées par des entreprises de plus de 250 salariés », a-t-elle rappelé. « Cela veut dire que le potentiel de nos PME reste encore largement sous-exploité, nous les encourageons vivement à mutualiser leurs moyens dans une logique d’exportation collaborative, en créant des ressources commerciales communes ou en proposant des offres groupées aux importateurs », a-t-elle expliqué aux grossistes.
Un « écosystème » favorable au grand export
Les 10es entretiens de Rungis ont mis en évidence les atouts dont bénéficient les exportateurs français en matière de logistique du froid. « Dans ce domaine, les infrastructures et le savoir-faire français sont reconnus partout dans le monde. Ce n’est pas pour rien que les logisticiens français sous température dirigée font partie des leaders dans leur domaine et que la France a réussi à exporter sa réglementation au travers d’accords internationaux », a assuré Éric Devin, le directeur du Cemafroid. Qu’il s’agisse de la route, du train, du transport maritime, les opérateurs français bénéficient de l’appui d’entreprises proposant des services intégrés sur l’Europe entière, voire sur le monde, ont témoigné, entre autres, les dirigeants de Stef, Bolloré Logistics ou les ports du Havre, Rouen et Paris. « Le transport en conteneurs reefer (conteneurs réfrigérés, ndlr), est en croissance régulière, de l’ordre de 30 % depuis trois ans depuis Le Havre », a témoigné Hervé Cornede, directeur commercial et marketing d’Haropa, l’ensemble portuaire de l’axe Seine. Une progression qui s’explique par le développement du commerce des produits frais vers les pays tiers, mais aussi par l’amélioration des services mis à disposition des armateurs et logisticiens.