Comment les coopératives conquièrent les marchés
Plusieurs dirigeants de coopératives ont dévoilé leurs stratégies lors d’un colloque organisé à Paris. Deux traits communs : les alliances et la professionnalisation des fonctions stratégiques.
Les marchés des matières premières sont devenus particulièrement dangereux pour les coopératives agricoles, et leur ancrage territorial (cette obligation de collecter les productions des agriculteurs actionnaires) peut se révéler un handicap si elles ne vont pas chercher de nouveaux marchés. La « deuxième journée européenne des coopératives agricoles », organisée le 28 septembre à Paris par Coop de France, Les Échos et PWC (PricewaterhouseCooper), avait pour thème : « Concilier ancrage territorial et développement économique à l’international ».
Elle a mis en évidence les nécessités d’organiser les filières, de renforcer les réseaux commerciaux et l’accès aux crédits, que ce soit pour faire face à la volatilité des matières premières ou pour croître.
Certaines coopératives font aujourd’hui à leurs dépens l’expérience de la dangerosité des marchés des matières premières. « Certaines vont perdre en un exercice (2010-2011, NDLR) la moitié de leurs fonds propres », a osé Louis Guillemant, directeur général d’Unéal. Les engrais et produits de protection des cultures sont des matières fluctuantes, a souligné Alain Le Floch, directeur général du groupe Champagne Céréales. Elles représentent pour l’agriculteur un risque « d’une ampleur largement supérieure au climat ».
Comment conquérir des marchés céréaliers quand on n’est pas un acteur du grand export, comme Unéal ? « Il faut savoir accompagner un champion », a expliqué Louis Guillemant. Ainsi, en 2010, une dizaine de coopératives de Picardie et de Nord-Pas-de-Calais se sont regroupées autour de Tereos Internacional et sont devenues actionnaires de sa filiale Syral, troisième amidonnier européen.
Aller « capter l’information »
Dijon Céréales est aussi une coopérative secondaire, qui plus est, enclavée en Bourgogne. Elle est associée à d’autres dans Cerevia. Cet ensemble, qui pourrait peser 4 millions de tonnes dans un an, a investi dans un silo portuaire à Fos-sur-Mer, « concurrent de Rouen », pouvant accueillir des bateaux de 40 à 40 000 tonnes. La coopérative s’appuie sur InVivo et sur un pôle de compétitivité, qui lui fait transformer une sucrerie en moulin biologique en vue d’écraser 20 000 tonnes dès le printemps.
Alain Le Floch était invité à présenter comment son groupe fait face à la volatilité des cours. Le seul « volet défensif » de sa stratégie comporte une organisation de la gouvernance, avec un comité des audits (administrateurs), un comité des engagements financiers (représentants des actionnaires) et un comité des risques (managers) veillant aux limites d’engagement. « L’enjeu compétitif » impose aussi d’aller à la source de l’information sur les marchés, a expliqué le dirigeant, en allant « capter l’information » dans les grands bassins de production. Sur le volet « offensif », il englobe les initiatives commerciales et les offres de services découlant de la maîtrise des marchés. Quant à la taille de l’entreprise, elle se répartira entre des activités qui n’ont pas les mêmes besoins en fonds de roulement.