Comment l’arôme prend le pas sur le sodium

L’annonce fait sensation : Unilever s’engage à réduire le sel : 22 000 produits concernés dans le monde, dont, en France, les soupes et sauces Knorr, les moutardes et mayonnaises Amora. 9 millions de kilos de sel éliminés. Le groupe se fixe comme référence une consommation journalière inférieure aux 5 grammes par jour recommandés par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) pour 2015. Cela revient à inciter les gros consommateurs de sel (10 g et au-delà) à diminuer de moitié leur ingestion quotidienne dans les cinq ans. Une base de travail imposée, en Angleterre, par l’échéance FSA (Food Standards Agency) : 6 g/jour dès 2010. Le groupe procédera en estimant l’apport quotidien d’une soupe, d’une sauce ou d’une aide culinaire. Il s’appuiera sur les habitudes de consommation pays par pays. Aux équipes « marketing » nationales de jouer leur rôle de prescripteur. Quant aux teneurs en sel des produits, le vice-président d’Unilever en charge de la nutrition, Gert Meijer, a cité l’exemple d’une soupe : 360 mg de sodium (soit 0,9 g d’équivalent sel) pour 100 g en 2010. Pas fracassant, c’est de l’ordre des normes actuelles des soupes liquides. La soupe doit tomber à 265 mg en 2015, ce qui représente une réduction d’un quart. Des gammes Liebig et Maggi y sont déjà, et la marque Carrefour n’en est pas très loin.
Les soupes Maggi ont largué 25 % de sel
D’autres groupes industriels sont en avance sur Unilever. Chez Nestlé, les soupes Maggi ont largué 25 % de sel entre 2000 et 2007, les jambons cuits et lardons Herta 10 % et 25 %, les pizzas Buitoni d’aujourd’hui comportent 17 % en moins de sel et les lasagnes à la bolognaise Maggi affichent - 26 %, les fonds culinaires déshydratés (marque Chef), blancs de volaille et fonds brun, sont « à faible teneur en sodium ». United Biscuits (marques Jacob’s et Delacre en France) s’était engagé en 2004 auprès du gouvernement britannique à réduire de 17 % la teneur totale en sel des biscuits et gâteaux, de 18 % celle des chips et les snacks, cela en 5 ans. Il a dépassé cet objectif (- 22 % en moyenne) dans les biscuits et gâteaux, ayant atteint - 16 % en snacks et chips. Les entreprises françaises de charcuteries et salaisons sont tenues de respecter la charte d’engagements nutritionnels volontaires de la filière, modifiée en 2006 sous l’égide de la Fict. Contrainte particulière : les objectifs sont fixés par spécialité (il y en a 11), et les résultats surveillés par l’Oqali (Observatoire de la qualité de l’alimentation) de l’Afssa.
La « compensation intersensorielle »
Les problèmes posés avec la réduction du sel sont connus : moins de goût et moins bonne conservation. Pour les jambons crus, il a suffi de réduire les temps de salage et de maturation pour réduire de moitié le sel. Quant aux produits industriels, les substituts immédiats au chlorure de sodium sont les autres chlorures (potassium, calcium), et un exhausteur de goût très efficace : le glutamate monosodique. Mais les premiers apportent un goût particulier et le glutamate, bien que fort répandu dans les soupes, sauces et snacks, est exposé aux défiances de l’opinion publique. Les extraits de levure, inosinates et guanylates passent mieux sur l’étiquette. Les mélanges d’épices ont des vertus conservatrices. Citons en particulier le céleri, l’oignon frit, les agrumes, le piment doux, le cumin, la coriandre.
Les solutions sont étudiées dans le secret des labos. Unilever expérimente avec l’Inra de Dijon une science nouvelle : la « compensation intersensorielle », qui utilise certains arômes pour rehausser la perception de la saveur salée. Le truc : les goûts bacon, cacahuète, poulet ou sauce soja donnent du « salé » même sans sel. La chasse au sodium fait prospérer les Givaudan, Nactis, Naturex, ou encore Armor Protéines et son cracking des protéines laitières.