Cogépêche : les produits de la mer bretons en quête de valorisation

Le sujet est d’importance. Qu’ils soient artisans ou constitués en armement, les pêcheurs disent toujours qu’il manque 50 centimes d’euro aux cours moyens du kilo de poisson pour leur assurer une exploitation correcte. À titre d’exemple, le prix moyen annuel du kilo de poisson négocié en 2012 sous les six criées de Cornouaille (sud du Finistère) se situait à 2,90 €. Pour donner un peu plus de valeur au poisson à l’achat, le premier acheteur de la chaîne cherche à tirer un meilleur prix à la revente qu’aujourd’hui. Depuis plusieurs années, d’importants efforts en faveur de la qualité ont été prodigués aux premiers maillons de la filière, des producteurs aux criées. Il y a toujours, bien évidemment, des rétifs aux évolutions d’une filière. Mais ceux-là ne figurent qu’à la marge. Et bien souvent ils se mettent au diapason de leurs collègues quand ils comprennent que les acheteurs sous criée devinent de quelle manière ils travaillent, à la seule observation de leurs captures.
Projet piloté par Agrocampus et Normapêche Bretagne
Les différentes manières de valoriser les produits de la mer bretons ne se trouvent qu’en aval de la filière. C’est la raison d’être du projet Cogépêche piloté par le pôle halieutique d’Agrocampus Ouest et Normapêche Bretagne. Après avoir étudié les attentes des consommateurs vis-à-vis des produits de la mer (2008-2009), les universitaires ont travaillé sur les stratégies de mise en marché des produits de la mer.
Ils ont d’abord regardé comment opère le premier maillon de mise en marché des produits de la mer, le mareyage. Les 108 entreprises du secteur en Bretagne (le tiers des mareyeurs français) favorisent la pêche locale. Selon la note de synthèse de Cogépêche dont nous nous sommes procuré une copie « la moitié des mareyeurs enquêtés (un échantillon de 30 %, ndlr) déclare ne jamais recourir à l’import pour s’approvisionner. L’autre moitié achète en moyenne 12 % des volumes hors de France. (…) Seuls (10 %) des enquêtés achètent plus de 20 % de produits non débarqués en France. Les espèces majoritairement importées sont la langoustine, le saumon, le cabillaud ». Ils accordent de l’importance aux signes de qualité et les trois quarts d’entre eux proposent à leurs clients de la découpe de poisson en complément de l’entier. Pour se faire une idée précise de la façon qu’ont les GMS bretonnes de mettre les produits de la mer en marché (480 points de vente dont 71 % possèdent un rayon de poissonnerie traditionnel), Cogépêche a décortiqué le positionnement des magasins dans leur offre de poissons et de crustacés, en sondant 77 magasins. Il s’agit de points de vente Intermarché, Système U et Carrefour qui représentent les trois quarts des magasins et les deux tiers des surfaces de vente de Bretagne. Ce détail a son importance. La centralisation des achats induit une uniformisation de l’offre commune aux points de vente de l’enseigne. Peu d’initiatives sont laissées au chef de rayon. C’est précisément le contraire chez les indépendants (E.Leclerc, Intermarché, Système U) soucieux de dynamiser leur rayon traditionnel de poissonnerie. Les universitaires ont ainsi observé que, s’il y a 56 espèces proposées à la vente par les GMS bretonnes, seulement trois d’entre elles (saumon, crevettes, cabillaud) font 40 % de l’offre. Les produits de la mer en grande distribution se partageant entre des offres soit fermées, soit ouvertes, il convient « d’éduquer le consommateur pour qu’il donne plus de valeur au poisson, explique Dimitri Fasquel, ingénieur de recherche intervenu sur le projet Cogépêche lors du dernier salon Itechmer. Des sites Internet existent déjà (celui de la marque générique Pavillon France, Mr Goodfish) ». Il faut aller plus loin : informer les consommateurs de la saisonnalité de la production pour qu’il retrouve de la confiance dans les messages qu’il reçoit.
Des propositions pour animer l’offre
La France importe près de 80 % de ce qu’elle consomme et chaque Français consomme 36 kilos de produits de la mer par an, mais seulement 34 % en frais – le reste en traiteur à 31 %, en surgelé à 21 %, en appertisé à 14 %. Cogépêche propose donc d’insuffler de la nouveauté dans l’univers des produits de la mer. Faire « de la reconceptualisation de l’offre, proposer des produits substituables, attribuer des fonctions nouvelles aux produits de la mer : street food ou produits nomades, par exemple », explique Stéphane Gouin, responsable scientifique du projet. Ou imaginer un nouveau merchandising. Cogépêche se propose de théâtraliser son idée dans un lieu dédié. Au Centre culinaire contemporain récemment ouvert à Rennes, par exemple ?
(1) Renseignements : www.labretagneetlamer.fr/?q=node/339