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Céréales : les interrogations de la campagne

Le prochain conseil spécialisé « céréales » de l’ONIGC, qui se tiendra le 12 septembre, va devoir réviser considérablement les « perspectives céréalières » présentées début juillet, lors de sa dernière réunion. En particulier, ses perspectives pour le blé tendre seront bouleversées par les conditions météorologiques qui ont sévi depuis ces premières estimations. L’office prévenait d’ailleurs : . Réserve prudente qui s’est révélée justifiée car, en 5 semaines, la nature a pris le pas sur la prévision. Les estimations de récolte de blé ont fait l’objet d’ajustements à la baisse successifs, pour passer de 34,7 à 32,5 Mt, la collecte devant s’en trouver affectée d’autant. Nous avons demandé à Vincent Magdelaine, directeur de « Coop de France - métiers du grain » de commenter ces évolutions.

LM : Quels pourraient être les effets de la baisse imprévue des disponibilités en blé sur le déroulement de la campagne ?

Vincent Magdelaine :La faiblesse des disponibilités engendrée par une production décevante, vraisemblablement de l’ordre de 32 Mt de blé tendre et un faible stock de report vont évidemment conduire à une redistribution entre les débouchés potentiels. Ainsi les exportations françaises de blé vers les pays tiers, dont on attendait qu’elles soient favorisées par l’augmentation des disponibilités et la moindre concurrence de l’origine mer Noire, seront le poste le plus pénalisé. Il est d’ailleurs, au gré des campagnes, le plus instable.

LM : Qu'en est-il des autres débouchés ?

Vincent Magdelaine : Pour ce qui est de l'Union Européenne, nous y vendons chaque campagne, entre 8 et 9 Mt de blé. Cette année, il est vraisemblable que ce débouché s'inscrira également en recul, nos partenaires, guère plus heureux que nous en matière de récolte, faisant plus que d'habitude appel aux importations en provenance de Pays tiers, notamment en maïs.

S'agissant des utilisations intérieures, elles sont généralement stables en matière de panification, de biscuiterie, amidonnerie, etc., mais elles peuvent fluctuer sensiblement entre céréales dans les incorporations pour l'aliment du bétail, en fonction notamment de leurs compétitivités relatives. Le débouché biocarburant devrait rester limité en cette année de démarrage.

LM : Les utilisateurs de céréales et plus particulièrement les fabricants d'aliments du bétail évoquent la spéculation et même la rétention de marchandise de la part des vendeurs. Les premiers bateaux de maïs brésilien arrivés dans les ports bretons laissent-ils présager un retour vers les approvisionnements extérieurs, qu'il s'agisse de céréales ou d'autres produits de substitution ?

V.M : Il ne faut pas dramatiser la situation ; les bilans sont effectivement très tendus mais le marché céréalier français n'est pas dans une configuration de pénurie et les utilisateurs français ne risquent pas de manquer de grain à moudre. En revanche, il est vrai qu'ils se trouvent confrontés à une forte hausse des prix, d'autant plus forte qu'ils se couvrent tardivement.

Mais cette hausse n'est pas spécifique au marché français, elle touche l'ensemble du marché mondial qui se trouve confronté à des fondamentaux déficitaires. La France ne pouvait échapper à cette tension du marché international. Mais autant que la baisse des disponibilités, c'est le manque d'anticipation tant des acheteurs que des vendeurs face à un retournement brutal et tardif des prévisions de récolte qui a conduit à la situation que nous connaissons.

Les O.S. français ont, comme tous les ans, engagé une partie significative de leur collecte avant la moisson, sur des bases de prix qui ne sont pas ceux d'aujourd'hui. Le recul de la production par rapport aux prévisions se reporte intégralement sur le solde restant à commercialiser. Le disponible sur le marché se trouve donc fortement réduit, d'autant plus que nous commencions la campagne pratiquement sans stock. Les prix actuels, pour autant que l'on puisse les expliquer, traduisent la confrontation de cette offre limitée et d'une demande incompressible de la part des industriels insuffisamment couverts. Ils correspondent toutefois à de faibles volumes d'échanges en physiques.

LM : Et le recours aux importations des pays-tiers ?

V.M : Dans une telle conjoncture, il est légitime que les utilisateurs recherchent les sources d'approvisionnement les plus économiques pour assurer leur approvisionnement. Il n'est donc pas surprenant qu'au niveau européen, et dans une moindre mesure en France, ils aient recours à une part plus importante d'importations Pays-tiers. Les arbitrages de l'industrie de l'alimentation animale entre les différentes céréales vont se déplacer. Bien que pris, eux aussi dans la spirale ascendante, les prix de l'orge, malgré les faibles disponibilités estimées et du maïs dont la récolte s'annonce plutôt bien, semblent, pour le moment s'écarter de ceux du blé gagnant en compétitivité relative.

L.M : Cette campagne exceptionnelle, avec ses prix incontrôlables, ses stocks communautaires anémiques est-elle susceptible de faire revenir la Commission sur ses tentations de déréglementation du marché céréalier ?

V.M :Il faut souhaiter en effet que Bruxelles tire les leçons des excès d'un marché laissé à lui-même et mesure les risques d'une gestion exclusivement malthusienne de la politique céréalière. Le recours à l'intervention a montré son efficacité pour pallier, les années de petite récolte, les manques de disponibilités. L'existence d'un stock régulateur permet de lisser les aléas de production et d'éviter les trop fortes variations de prix. De plus, sans coût budgétaire puisque ces céréales, achetées au prix d'intervention, ont été au cours des deux dernières années, revendu à des prix supérieurs. Espérons que la Commission y réfléchira, au bénéfice de tous, acheteurs comme vendeurs

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