Céréales : le riz menace aussi de manquer
L'armée égyptienne aidant à la distribution de galettes de pain subventionnées ; réquisition de troupes aux Philippines pour la distribution de riz aux pauvres de Manille ; cortèges de la faim en Afrique de l'Ouest, au Sénégal, au Cameroun, au Burkina Faso, où la brisure de riz rattrape le prix du grain entier… La tension des marchés mondiaux des céréales, des légumes secs et des huiles atteint les limites du supportable pour les populations défavorisées.
En Egypte, où le pain subventionné - dix fois moins cher que dans les boulangeries ordinaires - est rationné, une famille de la classe moyenne consacre 15 % de ses revenus à l'achat de pain, d'après un reportage dans Libération. Après les galettes, consommé hors domicile, le riz vient à manquer. Sur fond de campagnes municipales, le gouvernement Moubarak a décidé d'interrompre les exportations de riz pour six mois. Une nouvelle vite arrivée en Europe, gros client du septième exportateur mondial.
Solidarité asiatique
Entamées l'automne dernier, les mesures gouvernementales destinées à restreindre l'exportation du riz se multiplient à travers le monde. Le Vietnam, deuxième exportateur mondial après la Thaïlande, a annoncé le 28 mars une réduction de ses exportations. Mardi, c'était au tour de l'Inde : le troisième exportateur mondial a décrété un embargo sur les variétés ordinaires qui pourrait concerner bientôt le basmati. Les prix minima avaient été auparavant haussés de 900 à 1 200 $/t pour le basmati et de 650 à 1 000 $/t pour les autres variétés. L'Egypte a fait connaître la même décision le même jour. Les observateurs s'attendent à une prolongation de l'embargo au-delà d'octobre. Le Cambodge a lui aussi coupé le robinet.
Les stocks mondiaux de riz sont en chute libre et la prochaine récolte ne sera pas disponible sur le marché mondial avant septembre. La soudure est incertaine. La Thaïlande et l'Iran font partie des rares pays producteurs à disposer de stocks.
Seule la Thaïlande, premier exportateur mondial, reste un fournisseur potentiel pour les autres pays. Elle n'a pour l'instant annoncé aucune réduction de ses exportations.
Cependant, Bangkok a indiqué qu'il prélèverait 650 000 tonnes de riz de ses stocks pour les vendre localement en dessous des prix du marché. La Thaïlande exporte 1 million de tonnes de riz par mois et n'en dispose plus que de 9, qu'elle ne va certainement pas exporter totalement, pense Guy Coudert, secrétaire général du Syndicat de la rizerie française. Du reste, elle est susceptible de faire jouer le pacte de solidarité asiatique.
Trois facteurs président au manque de riz, résume Guy Coudert : l'expansion de la population des pays consommateurs, l'augmentation du pouvoir d'achat et deux années de mauvaises récoltes. La sécheresse en Australie et l'ouragan au Bangladesh, qui a éliminé 500 000 t d'un coup, sont les deux faits majeurs. En outre, une maladie aurait amenuisé la récolte chinoise.