Café : le « petit noir » ne flambera pas
Le pic atteint par le robusta la semaine passée sur le marché mondial du café vert (1 740 dollars la tonne sur le marché à terme de Londres pour livraison en septembre, soit 1 359 euros la tonne) n’a pas d’incidence sur les prix de gros du café torréfié, ressort-il des commentaires recueillis à différents échelons de la filière. De l’avis d’un spécialiste de la maison de négoce Bouvery International, le phénomène a tout d’un « squeeze », ce qui veut dire littéralement d’un resserrement qui a piégé des opérateurs.
Ceux-ci comptent parmi eux des spéculateurs vietnamiens « un peu novices», souligne le commentateur, qui se sont trop engagés sur le Liffe de Londres, ou des négociants lâchés par des producteurs qui ne voulaient plus livrer. Ces deux catégories d’opérateurs ont dû acheter en catastrophe. Parmi les opérateurs malheureux peuvent aussi figurer des torréfacteurs ayant acheté tardivement il y a deux mois sans fixer de prix.
Période de soudure
La hausse a été catalysée il y a six semaines par un manque d’alimentation de l’actuelle période de soudure entre ancienne et nouvelle récolte. De très fortes pluies se sont abattues sur les plantations du Vietnam, premier producteur mondial de robusta, et la récolte du pays, la première à venir, n’est pas prévue avant octobre, explique Pablo Dubois, de l'Organisation internationale du café (Ico). « L'offre est globalement limitée, alors que d'importantes réductions de stocks ont été enregistrées chez d'autres gros producteurs», a-t-il précisé. Cependant, souligne-t-on chez Bouvery International, il reste du robusta en stock, tout prêt à venir soulager le marché de Londres opportunément porteur, et certains récoltants vietnamiens exploitent leurs parcelles les plus précoces pour alimenter précocement le marché. Des « grandes manœuvres» s’annoncent qui vont provoquer des soubresauts à Londres – typique d’un squeeze.
Le pic du robusta n’a pas affecté les grands industriels comme Kraft Foods et Nestlé qui disposent pour leur part d’un stock de plusieurs mois et de couvertures de risque qui les mettent à l’abri des caprices du marché.
Quelques torréfacteurs de taille plus modeste assurent qu’il n’y a pas de quoi augmenter leurs prix de ventes. Un acheteur du groupe de restauration Sodexho témoigne que ses contrats d’achat ne réagissent pas à ce genre d’« épiphénomène ».
Enfin, pour les observateurs du marché, le café part des prix extrêmement bas de 2001; et l’arabica, de son côté, demeure très sage. Pas de quoi appréhender une flambée du petit noir, sachant que le café vert ne représente au grand maximum 20 % du prix de la tasse.