Ça arrive près de chez vous
Le spectre régulièrement brandi de l’entrée massive des viandes bovines sud-américaines sur le marché européen cache un phénomène plus discret, mais bien réel: la remontée régulière des importations françaises de boeuf en provenance de ses fournisseurs européens traditionnels. En 2006, nos importations bovines de viandes fraîches ont dépassé de 5% celles de 2005 et de 1999 (avant la seconde crise de l’ESB), selon l’Institut de l’élevage. L’Allemagne et l’Irlande, notamment, ont augmenté leurs expéditions vers notre marché. Il peut paraître incongru de pointer du doigt une évolution qui n’est finalement qu’un naturel retour de balancier, après une décennie de renationalisation du marché de la viande bovine. On nous objectera aussi que, dans les années qui viennent, les disponibilités bovines vont se stabiliser, voire décroître en Europe et que la France, relativement épargnée par cette tendance, peut en sortir renforcée. Il n’empêche que l’évolution des échanges n’est pas un indice marginal. Si les Français ne seront sans doute jamais des aficionados de la viande sud-américaine, nos voisins, eux, sont des clients potentiels et ne rechigneront guère à nous adresser leur marchandise, moins qualitative mais meilleur marché et plus proche de nos attentes. Surtout, la France n’importe plus seulement de la viande brute, mais aussi des produits transformés, que des industriels européens puissants et avisés sont bien décidés à nous vendre. Notre journal a pu constater cette semaine l’avance qu’ont prise les Irlandais en matière de transformation de la viande d’agneau et de mouton. A trop laisser s’enfuir la valeur ajoutée, les industriels français risquent un jour de se mordre les doigts.