Bourse : danger sur les marchés à terme
Le monde de la finance, des produits dérivés en particulier, devient de plus en plus inquiétant. « Les flux financiers l’emportent sur les flux réels. Nous sommes dans une sorte de course à l’échalote en termes de risques » confiait jeudi François Morin, professeur de science économique à l’Université de Toulouse I, et membre honoraire du conseil général de la Banque de France, lors d’un colloque organisé par la Sfer Société française d’économie rurale, lire aussi LM du 1er mars.. Le PIB Monde représente 44 000 milliards de dollars alors que les transactions sur les marchés de couverture s’élèvent à 1 450 000 milliards (soit 33 fois plus). Ces deux chiffres en disent long sur l’ampleur du phénomène qui n’épargne pas le monde agricole. « Entre Nutrixo et Champagne Céréales, avant, on faisait vite à nous deux 10 % du Matif. On voit aujourd’hui arriver des fonds de pension sur les marchés à terme », confiait devant la même assemblée Pascal Prot, président de Champagne Céréales. Et ce dernier de poursuivre : « Les agriculteurs qui, depuis quelques années, ont eu des revenus extrêmement bas ont des réactions humaines face à l’envolée des cours. Ce sont des comportements auxquels on n’était pas habitués ».
Des agriculteurs se lancent seuls en bourse
Depuis l’été dernier, des agriculteurs sont tentés de garder leurs céréales plutôt que de les confier à leurs coopératives. Certains s’essaient même seuls en bourse. Depuis 10 ans, 6 000 agriculteurs et éleveurs ont été formés par Offre et Demande Agricole (ODA) à la gestion du risque de prix et à l’utilisation des marchés à terme agricoles. Suite à ces formations, ce sont plus de 150 clubs qui ont été créés sur l’ensemble des départements français. A chaque fois, Renaud de Kerpoisson, p-dg de la société de conseil, déconseille fortement aux agriculteurs de céder à la stratégie tentante de la spéculation. « Les stratégies que nous leur proposons sont uniquement des stratégies de couverture », assure-t-il. Utilisés à des fins spéculatives, les marchés à terme peuvent représenter un vrai danger. « Ils risquent aujourd’hui d’y laisser leur entreprise ! », prévient-il.
Récemment, une banque américaine a annoncé la perte de 141 millions de dollars sur les marchés à terme des céréales, en une journée. «Si de telles fluctuations de marché peuvent faire rêver certains, il ne faut surtout pas céder à la tentation», insiste Renaud de Kerpoisson. Avec des fondamentaux tendus, le potentiel de hausse des marchés céréaliers est réel et les fonds de pension amplifient cette tendance en s'y intéressant. «En conséquence, les variations quotidiennes des marchés ont été accentuées, engendrant une plus forte volatilité», confirme l'expert. Les dépôts de garantie demandés aux opérateurs souhaitant se couvrir sur les marchés ont été sans cesse revus à la hausse cette année. Mais «cette forte volatilité apporte aussi des opportunités pour les producteurs aguerris qui peuvent saisir les excès de ces fonds», nuance le p-dg d'ODA.