Biocarburants : l’Inra tempère l’enthousiasme
Présenté sous des aspects favorables par les filières maïs, blé, colza ou betterave, l’engouement pour les biocarburants est à tempérer, selon une étude de l’Inra. L’unité recherches en économie et sociologie rurales de l’institut a étudié les différents scénarios induits par le développement de la filière biocarburants, dont le niveau d’incorporation doit atteindre 5,75% en 2010. L’argument de l’indépendance énergétique est sérieusement remis en cause par l’Inra, qui évalue l’impact des biocarburants entre 1,5 et 2 millions de tonnes équivalent pétrole. À titre de comparaison, l’agriculture a consommé 2,9 M tep en 2004, et la France 92,8 M tep.
Bénéficiant d’une aide de 45 euros/hectare, les cultures à destination des biocarburants pourraient entraîner une concurrence entre les surfaces dédiées à l’alimentaire et au non alimentaire, surtout pour le colza. La possibilité d’une hausse des prix est évoquée : bénéficiaire pour les producteurs, elle le serait beaucoup moins pour les autres maillons de la chaîne.
Mais, l’Inra souligne surtout que les biocarburants manquent de compétitivité : « la comparaison des coûts et des valorisations montre clairement qu’ils ne sont pas compétitifs sans soutien spécifique. L’ester, principal biocarburant (obtenu à partir de colza), deviendrait compétitif vis-à-vis du gazole si le prix du pétrole atteignait 75 à 80 $ par baril». Un niveau qui est encore loin d’être atteint. L’incertitude reste de mise concernant l’estimation du baril à 10 ou 20 ans. La mariée est donc un peu moins belle que prévu. « En résumé, tant que les biocarburants permettent aux agriculteurs de cultiver leur jachère PAC, les retombées économiques sont intéressantes pour eux. En revanche, quant la production énergétique commence à grignoter les surfaces alimentaires, l’enjeu économique devient plutôt marginal», estime l’Inra. Sur le plan de l’emploi, l’impact apparaît limité au niveau agricole, pour une création de valeur faible. « En définitive, un programme biocarburants ambitieux comme celui proposé pour 2010 est bien plus un enjeu économique pour le complexe industries des biocarburants-pétroliers que pour les agriculteurs, sauf si un effet d’entraînement sur les prix agricoles se manifeste», conclut l’Inra.