Biocarburants : la structuration s'accélère
Un stand des céréaliers à la Porte de Versailles ? Non, nous ne sommes pas au salon de l’Agriculture mais bien au salon de l’automobile, un symbole pour les promoteurs des biocarburants. Alors que leur taux d'incorporation a péniblement atteint 1% en 2005, les constructeurs ont profité du Salon de l'Automobile pour présenter leurs ambitions en la matière, entraînant dans leur sillage les producteurs de céréales et de betteraves. Cette semaine, ils ont présenté sur leur espace les trois modèles flex fuel (Peugeot, Ford et Volvo) actuellement sur le marché, qui acceptent une proportion de bioéthanol comprise entre 0 et 85%.
Peugeot et Renault ont profité de l'évènement pour annoncer le lancement à plus grande échelle du flex fuel dès l'année prochaine. Techniquement parlant, cette orientation devrait s'opérer facilement, les groupes étant déjà présents sur des zones ou l'utilisation des biocarburants est banalisée, comme au Brésil. Avant d'envisager la généralisation d'une flotte flex fuel, le gouvernement a fait cette semaine des annonces destinées à accompagner ses objectifs d'incorporation plus modestes, fixés à 5,75% en 2008 et 7% en 2010. Le Premier ministre a annoncé la mise en place de 500 à 600 pompes distribuant de l'E85 (carburant comportant 85% de biocarburant) en 2007, et « trois fois plus » en 2008. Toujours apte à rebondir sur l'actualité, le distributeur Leclerc a pour sa part déclaré que 15% de ses stations services seront équipées avec ce type de pompes en 2007, puis 20% en 2008.
La Coordination rurale sceptique
En région, les expérimentations se multiplient. Les trams de Poitou Charente vont fonctionner avec 30% de diester, alors que depuis le 1er juin, 7 véhicules du Conseil général de la Marne font l'objet d'une expérimentation flex fuel pour une durée de trois ans. La ville de Paris envisage de mener une opération similaire, tout comme le pôle de compétitivité Industrie et Agro ressources (Champagne-Ardenne Picardie). À la multiplication des projets s'ajoute, plus concrètement, celle des sites de transformation. Dans ce domaine, l'utilisation des produits végétaux n'est plus l'unique voie employée pour la production de biocarburants, avec l'annonce cette semaine de trois dossiers basés sur la transformation des graisses animales et des huiles recyclées (voir encadré). Ce développement rapide de la filière biocarburants laisse toutefois des indécis, notamment la Coordination rurale qui dénonce « l'illusion des pompes vertes ». Le syndicat s'interroge sur les « investissements coûteux et de rentabilité douteuse » compte tenu de la très compétitive concurrence étrangère, du flou quand à la pérennité des défiscalisations ainsi que du caractère insuffisant des prix payés pour les matières premières agricoles (de 75 à 80 euros au pour le débouché éthanol, le prix de la tonne de blé est de 125 à 130 euros pour l'alimentaire). À contre-courant des messages enthousiastes qui accompagnent le développement des biocarburants, la Coordination a d'ores et déjà annoncé qu'elle refusera d'être partenaire de la charte « éthanol 85 » annoncée par le ministre de l'Economie Thierry Breton.