Biocarburants : la Coordination rurale réaffirme ses doutes
Avec force tableaux et démonstrations, la Coordination rurale (CR) s’est attelé hier matin à démythifier les «illusions» des biocarburants lors d’une conférence de presse. « Les paysans risquent d’être vite déçus», a indiqué Nicolas Jaquet, président de l’Organisation des producteurs de grains, la branche céréales de la CR. « Si les biocarburants ne sont pas rémunérateurs pour eux, ils vont l’être pour les autres maillons de la filière, et en premier lieu les collecteurs», a t-il poursuivi. Compte tenu des objectifs ambitieux annoncés par le gouvernement (5,75% d’incorporation en 2008 et 7% en 2010), la CR estime que les besoins en termes de surface dévolue aux biocarburants vont dangereusement concurrencer les cultures alimentaires. Pour le biodiesel, l’objectif européen d’incorporation (5,75% en 2010, moins contraignant) devrait se traduire par la culture de 8,5 M ha d’oléo-protéagineux en France à cette échéance. Une gageure puisque à titre de comparaison, la surface totale d’oléo-protéagineux (alimentaires + biocarburants) cultivée aujourd’hui ne représente que 6,9 M ha. Les surfaces liées au bioéthanol (réalisé à partir de blé ou de maïs) seraient moins difficiles à atteindre, mais dans tous les cas la CR craint la réduction des stocks mondiaux de céréales, estimés à 278 Mt à ce jour (62 jours de consommation).
Selon les estimations du syndicat, la réalisation des objectifs américains et européens en matière d’incorporation réorienterait massivement les graines vers le débouché carburant, amputant les stocks alimentaires de 88 Mt pour tomber à 35 jours de stock en 2010, 7 jours seulement en 2011 et –21 jours en 2012. Synonyme de montée des cours, cette raréfaction de la ressource ne ferait pas l’affaire des agriculteurs, dont le prix de vente aux usines de transformation est fixé contractuellement.
Favorable «à l’éthanol brésilien et à sa taxation»
La Coordination redoute que les agriculteurs engagés dans cette voie continuent d’alimenter les sites de production à perte, n'ayant d'autre alternative. Soutenue par des défiscalisations « qui iront clairement à la baisse» selon le président de la CR François Lucas, la compétitivité des biocarburants français n’apparaît pas garantie, ce qui motive l’utilisation de filières plus courtes qui elles « ne récupèrent pas la valeur ajoutée». Les solutions évoquées vont de la combustion (débouché pour les blés fortement contaminés par les mycotoxines) à l’utilisation d’huiles végétales pures pressées sur l’exploitation. L’absence d’intérêt pour les biocarburants du groupe sucrier privé Vermandoise est représentatif des interrogations et de la rentabilité hypothétique des biocarburants selon la Coordination, qui est favorable « à l’ouverture à l’éthanol brésilien et à sa taxation», ce qui contribuerait à préserver les cultures alimentaires européennes. « Penser que les biocarburants sont la solution est une erreur », justifient MM. Lucas et Jaquet. « On présente les biocarburants comme un nouveau débouché, comme une fonction noble de l’agriculture. À croire que l’alimentation ne l’est pas».