Bien-être animal : voyage au centre de l’éthique
Les taurillons sont chargés dans la bétaillère, sous l’œil bienveillant d’une association de protection animale. Michel Roche, directeur général d’Eurofrance, spécialiste de l’exportation de bovins, reçoit aujourd’hui la visite de l’Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir (OABA) et d’une dizaine de journalistes, à l’occasion d’un voyage de presse du Centre d’information des viandes (CIV). Un imposant véhicule à deux étages accueille la cinquantaine de bêtes en partance pour l’Italie. Leur « bien-être » est assuré. En tous cas toutes les dispositions sont prises. Des systèmes pour abreuver, alimenter et ventiler sont installés à bord. Si le patron d’Eurofrance est inquiet, c’est plus à cause de la fermeture du tunnel du Fréjus. Les dix heures de transport prévues jusqu’à Padova ne vont probablement pas suffire.
Quand l’éthique rejoint l’économique
Des règles de plus en plus strictes régissent le bien-être des ruminants en cours de transport. Elles reposent sur une directive adoptée en 1991 et modifiée en 1995. Toutes les bétaillères doivent être équipées de rampes de chargement, de sol non glissant, avec une litière adaptée. Il faut vérifier l’aptitude des animaux au transport, respecter des limites de densité (de 0,95 à 1,30 m2 par animal de 325 kg, de 1,30 à 1,60 m2 par animal de 500 kg). Une formation ou une expérience suffisante est exigée pour les chauffeurs et les convoyeurs.
Pour les transports de longue durée (supérieure à huit heures), les bétaillères doivent disposer d’équipements pour abreuver et alimenter les animaux, d’un système de ventilation permettant de contrôler et de réguler les conditions de température et d’hygrométrie, de cloisons de séparation et portillons pour accéder aux animaux.
D’autres exigences en vigueur dès 2007
Des séquences de déplacements sont prévues : deux fois quatorze heures, séparées d’une heure de pause et ensuite arrêt de vingt-quatre heures, avec déchargement dans un point de repos. En outre, un plan de route est nécessaire pour tous les voyages transfrontaliers.
Au 1er janvier 2007, d’autres exigences entreront en vigueur. Un règlement communautaire prévoit l’agrément des entreprises et des moyens de transport, l’équipement GPS des bétaillères, une formation des convoyeurs, des chauffeurs, une motivation des personnels, avec la mise en œuvre de guides de bonnes pratiques.
Ces évolutions, Jean-Pierre Kieffer les juge insuffisantes. L’OAV, qui siège au comité éthique du CIV, réclame notamment de nouvelles normes de densité. Leur révision n’interviendra pas avant 2011. « Notre but n’est pas d’interdire l’utilisation de l’animal, souligne-t-il. Ce n’est pas non plus de mener des campagnes de choc dans les media, mais plutôt de faire évoluer les mentalités ». Michel Roche exprime lui aussi quelques critiques : « Les séquences d’arrêt perturbent les bêtes. Plus vite elles sont livrées, meilleur c’est. Le stress intervient au chargement, au déchargement et quand le camion ne roule pas ». Est-ce par pur souci éthique que le négociant s’intéresse au bien-être animal ? Pas seulement. Si les bovins sont mal transportés, avec de fréquents coups de frein et d’accélération, ils perdent trop de poids. Chez Eurofrance, la limite à ne pas dépasser est de 5 %. Au-delà, le transporteur est mis à la porte.
Dernières vérifications pour Jacques Zerr, le vétérinaire du centre d’allotement de Briennon (Loire). Avant le départ des taurillons, il doit veiller à leur confort. « Les préoccupations éthiques et économiques se rejoignent, souligne-t-il. En respectant le bien-être animal, on réduit l’incidence des maladies, la prise de médicaments et donc les résidus dans la viande. Le produit a aussi une meilleure qualité organoleptique. »