Agrocarburants : pour combler le déficit, cessons d’exporter !
Pour atteindre les niveaux d’incorporation d’agrocarburants fixés par la France (10% en 2015), la dernière étude Agreste préconise une réorientation des cultures, avec la mobilisation à des fins énergétiques des surfaces actuellement dévolues aux exportations de produits bruts vers les pays tiers. Cette décision permettrait de maintenir les exportations de produits transformés, et la production de coproduits issus des agrocarburants atteindrait, à l’horizon 2015, « l’équivalent des importations actuelles de tourteaux de soja ». Agreste précise cependant que cette étude « ne préjuge en rien de la rentabilité économique, ni des bilans énergétiques et environnementaux des carburants végétaux », et observe, sur la base de ses travaux, la persistance d’un déficit en biodiesel. Dans le détail, le simple transfert des surfaces de blé dédiées aux pays tiers procurerait 1,6 M t d’éthanol, plus du double du volume nécessaire en 2015, estimé à 0,7 M t.
1,2 Mt de biodiesel à trouver d’ici 2015
En appliquant ce schéma pour l’orge ou le sucre, et compte tenu des gains de productivité, la France atteindrait un total de 2,7 millions de tonnes de bioéthanol d’ici 7 ans. Mais le parc automobile français, très majoritairement tourné vers le gazole, est surtout demandeur de biodiesel obtenu à partir d’oléagineux comme le colza ou le tournesol. D’après le scénario établi par Agreste, les besoins en biodiesel ne seraient qu’incomplètement couverts même en cas de réorientation massive des cultures : 4,3 M t d’huile seraient nécessaires pour atteindre les objectifs nationaux, là où l’étude Agreste n’en compte que 3,1. À partir du colza, 1,1 M t de biodiesel serait ainsi produit en 2015 (contre 0,4 aujourd’hui), en tenant compte de l’arrêt des exportations vers les pays tiers, mais également des expéditions de graines ou d’huiles destinées à des usages industriels dans l’Union Européenne. L’extension du colza « aux dépens du blé ou de la betterave pourrait procurer un million de tonnes supplémentaires », à laquelle s’ajoute un autre million obtenu en remettant en culture les terres actuellement en jachère. Cette couverture insuffisante des besoins va rendre les importations impératives, tout en incitant à transformer les huiles animales ou usagées. Agreste évoque une solution ultime, avec la « limite des exportations de graines et huiles à usage alimentaire vers l’Union ». Cette piste reste toutefois délicate, et ne sera pas du goût des transformateurs et industriels de l’alimentaire qui constatent depuis plusieurs mois de fortes hausses des matières premières, que de tels arbitrages ne pourraient que renforcer.