Agrocarburants : l’aliment du bétail dans l’inconnu
Gourmands en hectares, les agrocarburants laissent perplexes les fabricants d'aliments du bétail, qui devraient dans le même temps voir arriver des coproduits valorisables dans leur secteur d'activité. Ce grand écart a agité l'auditoire hier lors d'un colloque organisé par le Cetiom, Arvalis et l'Unip, sur le thème « Coproduits des biocarburants : évolution des marchés des matières premières pour l'alimentation animale ». Les estimations présentées par Jean-Luc Gurtler (ONIGC) laissent entrevoir le remplacement dans l'alimentation animale des céréales par les drèches et tourteaux qui résulteront de la transformation des céréales et oléagineux. Cette substitution « aidera à atteindre l'objectif d'incorporation des biocarburants fixé à 7 % en 2010 », en libérant des terres. À l'horizon 2010, les coproduits disponibles pour les fabricants d'aliments devraient ainsi représenter 470 000 t de drèches de blé, 112 000 de maïs, 550 000 de tourteaux de soja et 2 millions de tonnes de tourteaux de colza. Mais l'intérêt des coproduits dépendra avant tout de leur prix, une donnée encore difficile à établir dans un marché naissant.
Pour Jean-Louis Zwick, directeur de l'activité « aliment » chez Maïsadour, il faudra un écart de 20 à 30 euros/t avec l'alimentation traditionnelle pour que les transformateurs utilisent ces coproduits. « D'autant qu'on observe le retour en force de céréales comme le manioc, notamment à Saint-Nazaire »a-t-il déclaré. Le cours des matières premières reste un point pivot dans l'établissement d'un prix d'intérêt des coproduits, mais l'impact des céréales sur les agrocarburants « sera modeste au niveau européen » a estimé Andrée Defois, de la société d'études agricoles Tallage. Si en 2010/2001 80 % du colza européen sera à destination des agrocarburants, ce pourcentage n'atteindra que 10 % pour les céréales. Selon les calculs de Tallage, les surfaces européennes supplémentaires nécessaires en colza et céréales seront inférieures à la réserve de terres, qui atteint 8 millions d'ha. Quelles que soient les prévisions, le secteur de l'élevage est encore circonspect quand à l'évolution de ce nouveau marché des coproduits, qui devra fixer ses prix de la manière la plus attractive, sous peine de finir en vulgaire combustible.