Agriculture raisonnée : Farre cherche de nouveaux alliés
En dévoilant, lors du salon international de l’Agriculture, le panneau qui pourra désormais être apposé à l’entrée des exploitations qualifiées en agriculture raisonnée, le ministre de l’Agriculture Dominique Bussereau a sûrement fait plaisir aux agriculteurs engagés dans cette démarche. Mais c’est sans doute le seul bon point qu’ils accorderont au gouvernement, qui soutient l’agriculture raisonnée du bout des lèvres. Plutôt que du symbolique, les tenants de l’agriculture raisonnée (AR) aimeraient bien avoir du concret à se mettre sous la dent.
C’est d’ailleurs dans ce sens qu’une demande de dispositif de défiscalisation a été transmise à MM. Bussereau et Raffarin. «Un particulier qui installe des panneaux solaires obtient un abattement. Nous aimerions obtenir la même chose au vu de nos actions sur l’environnement», justifie Gilles Maréchal, directeur de Farre. Plutôt que d’attendre d’évasifs changements législatifs ou un engagement plus sincère des pouvoirs publics, l’association qui fédère près de 600 fermes AR est en train de nouer des partenariats avec distributeurs et industriels.
Leur plus grande réactivité et le rapport au consommateur apparaissent comme une piste crédible pour améliorer la perception de l’AR. «Pour l’information spontanée, le taux avoisine 30%, ce qui n’est pas mal. Mais il y a encore du boulot à faire», assure M. Maréchal. Auchan, déjà adhérent à Farre, semble décidé à donner un coup de pouce à l’AR, notamment grâce au vin, un produit à même d’informer les acheteurs.
Diversifier le financement
Et cela tombe bien, puisque la moitié des fermes AR est composée d’exploitations vitivinicoles. Il y a peu, les représentants de Farre ont rencontré le directeur des achats Vins et le directeur Produits Frais de l’enseigne Auchan, pour évoquer des pistes de travail. Danone, qui a mis en place plusieurs opérations tests en AR, s’est de son côté engagé à payer la qualification « Agriculture raisonnée » à 60 producteurs de lait, en espérant ensuite aller plus loin dans le futur. Vis-à-vis du public, la participation de ce type d’entreprises pourrait être positive et traduire un début d’implication dans le « développement durable », un concept souvent agité, mais peu perceptible dans les faits.
Le son de cloche est différent dans le monde agricole, plus sceptique aux arguments de Christiane Lambert, la présidente de Farre pour qui le concept de l’agriculture raisonnée consiste à « mieux insérer l’environnement dans les pratiques agricoles, en conciliant économie et écologie », c’est-à-dire en contrôlant mieux l’utilisation de pesticides et d’engrais.
L’un des griefs faits à Farre réside dans son financement, assuré en partie par les fabricants de produits phytosanitaires. Cette position ambiguë de promotion de l’agriculture «raisonnée» n’a d’ailleurs pas plu à trois associations écologistes, qui ont obtenu en décembre dernier le retrait de l’agrément «protection de l’environnement» accordé à Farre par le ministère de l’Écologie. Appel a été fait de cette décision par l’association, qui aimerait bien s’offrir une image moins tapageuse, histoire d’attirer d’autres partenaires. L’appel du pied est de mise vers les légumiers, comme Bonduelle. «Si un tel groupe rejoignait Farre, cela montrerait l’intérêt pour notre démarche», estime Gilles Maréchal. Sans oublier qu’une telle contribution permettrait d’alimenter le budget (de l’ordre de 800 000 euros en 2004) tout en réduisant la dépendance vis-à-vis des encombrants donateurs actuels.