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50 premières entreprises laitières

Qu’y a-t-il de commun entre des entreprises de plus de 1 milliard d’euros et des PME de moins de 100 millions d’euros ? Le lait matière première et les enjeux de filière, même si la distance semble grande.Toutes les PME que nous présentons dans ce dossier - nous avons fixé la barre à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires - participent, au même titre que les grandes entreprises, à la vie économique du secteur. Le noeud pour la filière se situe au niveau de la valorisation du lait. Son niveau de prix constitue la pierre angulaire d’une paix sociale chère au ministre de l’Agriculture et qui l’a poussé à favoriser le groupe coopératif Sodiaal dans la reprise d’Entremont Alliance. La concrétisation de Laïta en 2009, montre l’intérêt de la constitution d’entreprises de taille européenne. La restructuration du secteur se poursuit et nous assistons à la constitution de pôles régionaux notamment au niveau de la coopération. Le paysage laitier est en pleine mutation.

Des pôles régionaux émergent

Les entreprises laitières françaises, après avoir mis en berne leurs projets de restructuration en 2008, ont multiplié les initiatives en 2009 pour consolider leurs territoires en France et à l’étranger.
Début 2009, les trois groupes coopératifs bretons (Even,Terrena et Coopagri) concrétisaient Laita et regroupaient ainsi l’activité de leurs sept usines. Dominique Chargé, son président, mesure aujourd’hui le chemin parcouru depuis un an, même si les trois entreprises travaillaient ensemble depuis 15 ans : « Laita a traversé la crise sans trop d’encombre et a atteint l’équilibre malgré une conjoncture difficile ». Autre grande manoeuvre dans l’Ouest, la reprise d’Entremont par Sodiaal. Cette opération réalisée avec toute la ténacité des pouvoirs publics, souligne, au même titre que la Loi de modernisation de l’agriculture, l’implication active du gouvernement dans la distribution des pouvoirs entre producteurs et industriels. Le gouvernement est en effet interpellé directement par les producteurs qui subissent de plein fouet les effets du désengagement de l’Europe de la gestion des marchés.
La coopération devient ainsi responsable de la transformation de plus de 40 % du lait français. Un équilibre qui devrait permettre plus de sérénité dans les relations entre les producteurs et les transformateurs, à en croire ses promoteurs, à l’heure où le secteur doit assumer la volatilité des prix et préparer sa sortie du système des quotas.
Par ailleurs, grâce à cette opération, et c’est le plus important, Sodiaal change de taille et acquiert une dimension européenne. Et même si encore aujourd’hui les négociations avec les salariés d’Entremont ne sont pas finalisées, le retour en arrière est improbable. L’installation de Sodiaal dans le grand bassin laitier de l’Ouest porteur d’avenir en termes de production laitière, va lui permettre de sécuriser ses approvisionnements et bénéficier d’un meilleur centre de gravité en termes de collecte. Tout n’est cependant pas gagné. Sodiaal doit réussir la restructuration de la filière emmental qui a mis en difficulté Entremont Alliance et d’autres coopératives dans l’Est.
Ca bouge en effet dans la coopération et la création de pôles régionaux, commence à se concrétiser. Le Glac et Eurial Poitouraine viennent d’annoncer lors de l’assemblée générale de l’Association centrale des laiteries coopératives des Charentes et du Poitou leur volonté de se rapprocher. Les difficultés financières vécues par les deux coopératives ces derniers mois ont accéléré le mouvement. Une mise à plat des deux structures est prévue aux niveaux de la collecte et de la transformation ; l’utilisation des capacités des usines étant à optimiser. Des synergies existent notamment dans le lait de chèvre et le beurre AOP Charentes-Poitou. Le Glac est toutefois une union de quatre coopératives. Elles détermineront par leur plus ou moins grande cohésion, la rapidité des évolutions. Dans l’Est de la France, Les Fromageries de Blâmont (union de la Coopérative agricole laitière de Blâmont et de l’Union lorraine des producteurs de lait) et la Fromagerie de l’Ermitage (Coopérative de l’Ermitage et l’Union laitière de la Meuse) ont signé une convention de coopération en vue de créer un nouvel ensemble fromager d’ici à fin 2010. Ce plateau fromager lorrain et franc-comtois pèserait 69000 tonnes de fromage, soit 52000 tonnes de pâtes molles et d’emmental et 17000 tonnes d’AOC: brie de Meaux, munster, comté, morbier,mont d’or… La constitution des structures qui rendrait les actifs industriels et commerciaux des protagonistes plus efficaces sont au point mort actuellement. Les Fromageries de Blâmont les ont mises entre parenthèses en février dernier en annonçant un plan d’économies destiné à limiter les déboires sur l’emmental (2 M€ de pertes en 2008- 2009). La constitution de ce pôle est importante pour ne pas voir la production de lait migrer vers l’Ouest.

L’EMMENTAL EN CRISE

Les mécomptes de l’emmental ont également pesé sur les comptes d’autres entreprises comme les Fromagers Savoyards qui réfléchissent sur l’opportunité de rejoindre le nouveau Sodiaal autour de ce produit amenant dans son sillon, une partie des litrages de l’ex- URCVL. En effet, l’emmental a constitué une véritable plaie pour l’industrie laitière en 2009. Le marché a subi l’assaut des produits allemands plus compétitifs du fait d’un prix du lait plus bas sur l’année 2009. L’importation de 74 000 tonnes d’emmental (contre 54000 tonnes en 2008) ont fait basculer négativement la balance commerciale de ce fromage à -25226 tonnes. « C’est du jamais vu dans l’histoire de l’emmental. Pour la première fois en 2009, l’emmental français a affiché une balance commerciale négative et un recul des fabrications du même ordre », constate Michel Roche, directeur du SIGF et du SFPP. Il qualifie 2009 « d’annus horribilis » pour l’emmental. Certes le recul des fabrications peut être mis en parallèle avec la maîtrise de la production laitière française décidée par les producteurs et le choix des industriels d’orienter leurs surplus de lait vers les produits industriels. Si certains industriels considèrent l’emmental comme une commodité et ont choisi de concurrencer l’emmental allemand, d’autres le traitent en produit de grande consommation (PGC) et ce sont surtout ces derniers qui ont souffert. « Un Français consomme 4 kilos d’emmental par an quand un Allemand en consomme 1 kilo. L’emmental est un PGC et c’est un produit fabriqué pour le marché français. Nous exportons environ 10 % de nos fabrications bien moins que le camembert. Aussi, sa valorisation est nettement supérieure à celle du gouda et plus encore à celle du cheddar », soutient Michel Roche qui croit fermement que ce produit mérite le développement d’une stratégie à l’export notamment vers les marchés asiatiques qui connaissent un véritable dynamisme en termes de consommation de produits laitiers. Un choix (peut-être collectif) à faire pour contourner la forte concurrence entre les acteurs français sur le marché hexagonal dont il a été peu question ces derniers temps; l’intrusion massive de l’Allemagne l’ayant reléguée au second plan.
Et si la conjoncture s’améliore en 2010 avec un net recul des importations du fait d’une meilleure valorisation du prix du lait allemand, le retour à une situation plus saine sera difficile en 2010. « Je ne pense pas que nous pourrions rattraper cette année les volumes perdus en 2009. Il va falloir attendre 2011 pour retrouver des fabrications de l’ordre de 250 000 tonnes », prédit Michel Roche.

CONCURRENCE AVEC L’ALLEMAGNE

Autre secteur touché par l’invasion des produits allemands : le lait de consommation. Bien que restructuré récemment, ce secteur a dû faire face également à des importations massives (+38 % en 2009 vs 2008). Une perte de compétitivité de la filière laitière française observée aussi à l’export : -11,6 % en valeur en 2009 vs 2008, encore plus forte sur les produits industriels.
Malgré une collecte en recul de 4,1 % en 2009, le trop plein de lait n’a pas pu être évité. En choisissant de produire moins, les producteurs français ont réussi à négocier un prix du lait supérieur à celui pratiqué par leurs voisins européens. On est tenté de dire tant mieux. Mais ils ont créé une situation difficile pour les entreprises qui réclament aujourd’hui une intégration de ce différentiel dans les indicateurs de l’interprofession. « On s’oriente aujourd’hui vers une formule de calcul qui prendrait en compte ce différentiel quand il devient critique pour l’écoulement de nos produits », explique Jehan Moreau de la Fnil. « Reste à définir les pourtours de ce tunnel et le niveau de déclenchement de l’alarme », complète Christèle Josse, directrice de la FNCL. Pour 2010, son amplitude se réduit de jour en jour. Le prix du lait allemand en mars 2010 était de 266 €/1000 litres comparé aux 276 €/1000 litres pour la France. La FNPL refuse, d’endosser seule la responsabilité de ce manque de compétitivité. Son argument, par la voix de son directeur Gilles Psalmon : « sur le premier semestre 2010, le prix du lait en France était supérieur à celui pratiqué en Allemagne et pourtant les exportations ont progressé d’une façon significative : (+4,1 % pour les fromages, +12,4 % pour les laits conditionnés, +12 % sur la crème et +11 % pour le beurre ».
Conclusion : l’équilibre à un instant T est difficile à apprécier, différents paramètres entrant en jeu, par exemple le décalage entre les volumes, le prix du lait, le prix de revient au moment de la répercussion à la distribution, et ce dans les différents pays européens.

 

CROISSANCE À L’ÉTRANGER POUR LES GRANDS GROUPES

Les difficultés rencontrées en 2009 par les entreprises françaises positionnées sur l’emmental et dans une moindre mesure sur le lait de consommation et l’export de produits industriels ont affaibli ces entreprises. Mais, la baisse du prix du lait par rapport à l’année 2008 a permis aux autres acteurs industriels de tirer leur épingle du jeu grâce à une consommation qui a repris des couleurs en 2009. La concurrence a été rude entre les industriels notamment sur le secteur des produits frais. Celle-ci s’est soldée par une moindre valorisation des yaourts sortie usine. C’est un véritable cadeau fait à la distribution.
Pour les grandes entreprises, la croissance se fait de plus en plus à l’étranger. Lactalis est devenu le numéro deux espagnol des produits laitiers. Danone ne réalise en France qu’environ 19 % de son chiffre d’affaires. De même pour Bel (25 %) et Bongrain (35 %). Les choix politiques au niveau de la production doivent se faire au plus vite si la France laitière veut rester un acteur majeur de la production laitière en Europe. La compétitivité au niveau de la transformation — avec des choix industriels pertinents et une restructuration plus importante —, mais aussi au niveau de la production — avec un travail sur les prix de revient, l’organisation des producteurs et une gestion plus souple et plus adaptable des volumes — en sont les conditions notamment pour garder une répartition de la collecte sur l’ensemble du territoire.
C’est tout l’objectif du plan de développement de la filière qui doit être présenté au gouvernement en septembre prochain. L’interprofession y travaille.
Un audit d’envergure est mené actuellement par un grand cabinet de conseils. Il devrait aboutir à des propositions concrètes tant pour l’aval que pour l’amont.

La filière en 2009

• Solde commercial extérieur : - 12 % en valeur
• Exportations en volume : -15 % pour le lait de consommation et - 8 % pour les PPC
• Importations en volume : + 38 % pour le lait de consommation, + 21 % pour les PPC, + 34 % pour la crème
• Prix de vente sortie usine des PGC sur le marché intérieur : - 6% pour les marques, - 12% pour les MDD et 1er prix

 

RITA LEMOINE

PRINCIPALES OPÉRATIONS DE RESTRUCTURATION EN 2009 ET DÉBUT 2010

• Regroupement de toutes les activités laitières des groupes Even, Terrena et Coopagri Bretagne dans une société holding. Laita est détenue à 50,57 % par Even, à 31,01 % par Terrena et à 18,42 % par Coopagri Bretagne.
• Coralis a repris la zone de collecte de lait de la Compagnie laitière de Derval (324 producteurs en Loire-Atlantique) ainsi que l’activité industrielle et commerciale de lait UHT.
• 3A a créé, via sa filiale 3A SAS, une société commune (Yéo) avec le groupe laitier espagnol Kaiku Corporacion Alimentaria.
• Ingredia a acquis les actifs de Kantner Ingredients dans l’Ohio (Etats-Unis) au travers de sa filiale IDI : une unité de mélange d’une capacité de 20000 tonnes par an.
• La Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH) a racheté L’Abeille (40 M€ de CA), à Cholet (Maine-et-Loire), société spécialisée dans la production de boissons gazeuses et principal fabricant de sodas sous MDD en France.
• Alsace Lait complète sa gamme de produits frais en rachetant Savoie Yaourt (15 M€ de CA) au groupe Fruité.
• la société Solailoire (2,5 M€ de CA - Loire-Atlantique) spécialisée dans les fromages pour l’industrie, a été reprise par l’irlandais Dairygold Food Ingredients.
• Sodiaal a acquis la société Comalait. Basée à Saint-Yorre, celle-ci réalise 50 M€ de CA avec du lait UHT pour une collecte de 100 millions de litres de lait.
• Le groupe coopératif Eurial a acquis, fin 2009, l’entreprise laitière belge Capra, implantée à Halen-Limbourg et spécialisée dans les fromages de chèvre (collecte : 15 millions de litres de lait).
• Les Laiteries Hubert Triballat ont signé leur première acquisition de l’autre côté des Pyrénées en reprenant les Laiteries Goshua, spécialisées dans les produits frais au brebis haut de gamme (14 M€ de CA et 50 salariés).
• Lactalis a repris la branche laitière de l’entreprise espagnole Ebro Puleva (Lactimilk et Puleva), et la totalité des activités de fromages du groupe espagnol Forlasa.
• Bongrain a racheté la société roumaine Delaco (370 salariés), un importateur de produits laitiers qui distribue notamment les produits de l’allemand Zott, de Bergader Privatkaserei GmbH et du fabricant autrichien Mona Naturprodukte (produits à base de soja).

JYDNNC47_0.pdf (1.62 Mo)
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