35 heures
Moi aussi, j’étais au défilé des 35 h. Je ne les pratique pas moi-même, mais j’étais curieux de rencontrer des gens qui s’en accommodent. Et qui m’expliqueraient quoi faire de son vendredi après-midi, sans déchoir à pousser un caddy dans une sordide épicerie de banlieue. Aussi mon étonnement fût-il grand de rejoindre les rangs de stakhanovistes, de bourreaux de travail, de raffariniens et de sarkosistes de la plus pure eau. J’étais en effet au coude à coude avec des travailleurs à statut, des cadres de la fonction publique nationale, territoriale ou des entreprises nationalisées, qui m’avouaient travailler au mieux 32 h par semaine, et pour certains encore moins – l’un d’eux, de la Sécurité routière je crois, reconnaissait faire difficilement ses 25 h. Revendiquer les 35 h tenait donc d’une haute conscience de l’intérêt public et d’un admirable dévouement à la Nation. J’étais fier d’appartenir à ce peuple travailleur et gardien des intérêts de son pays. C’est alors qu’un journal m’apprit que la moitié à peine des revenus du lundi de Pentecôte retravaillé serait effectivement destinée aux personnes âgées. Le reste tomberait dans l’escarcelle sans fond de l’État. Voila qui change tout : comment travailler 35 h, quand on vous en prend 39 ?