2006 : l'année du choc des matières premières
« Nous sommes aujourd'hui au cœur d'un choc sur les marchés internationaux comme on n'en a pas connu depuis les années 70»... L'économiste Philippe Chalmin a confirmé hier à l'occasion de la présentation de son 20e rapport Cyclope ce qu'il pressentait déjà depuis quelques années. « Nous connaissons le 3 e choc pétrolier, un choc sur l'ensemble des marchés de commodités et aujourd'hui c'est au tour des produits agricoles. Nous atteignons des niveaux de prix qui sont trois fois supérieurs à ceux de la fin du XX e siècle », a-t-il ajouté. Selon lui le choc rappelle la crise de 1974 et correspond à la fin d'un cycle d'une trentaine d'années. Il s'explique par le décollage chinois qui tire considérablement la demande et l'influence nefaste de l'engouement pour les nouvelles technologies sur l'investissement dans la production des matières premières. En parallèle, Philippe Chalmin constate qu'en vingt ans d'édition du Cyclope ce qui a fondamentalement changé : c'est le passage « du stable à l'instable » avec la disparition des mécanismes de régulation.
2005, les produits agricoles épargnés
Concernant la conjoncture récente, l'économiste résume l'année 2005 par quelques chiffres record : 70 $ le baril de pétrole fin août, 4 000 $ la tonne de cuivre à Londres en pleine spéculation chinoise, 500 $ l'once d'or ou 1 000 $ celle du platine. A ce palmarès, il ne manque que les grands produits agricoles qui avaient bénéficié de récoltes exceptionnelles en 2004. Mais depuis début 2006, l'envolée des prix gagne également le secteur.
Pour 2006, le Cyclope prévoit une hausse pour quasiment toutes les matières premières agricoles : +25 % pour le blé (par anticipation d'une forte demande asiatique surtout chinoise alors que l'offre de la Mer noire serait moins abondante), +31 % pour le maïs (encore la Chine), +10 % pour le soja (avec une incertitude sur l'impact de la grippe aviaire), +40 % pour le sucre (après la très forte hausse de 2005), +7 % sur le cacao (la question de la Côte d'Ivoire restant en suspens). Seul le café serait à -10 %.
Pour la viande, l'épuipe du Cyclope ne s'aventure pas à donner une prévision chiffrée, le critère crise sanitaire -et notamment grippe aviaire- très influent étant trop difficile à prévoir. Un des éléments déterminants pour ce marché et d'une manière plus générale pour les produits agricoles concerne l'évolution de la production brésilienne. Alors qu'aujourd'hui la montée en puissance du Brésil semble inéluctable, Jean-Yves Carfantan, consultant spécialisé en agroalimentaire, basé à Sao Paulo, présent hier à Paris, a estimé que l'enjeu à l'avenir reposait sur la capacité du Brésil à sortir de son isolationnisme. « L'isolationnisme du Brésil peut le mener au suicide. Le pays a besoin d'investissements internationaux», a-t-il précisé.