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Antibiotiques : cinq cas de tanks à lait positifs aux inhibiteurs passés au crible

Pourquoi le tank est-il positif aux inhibiteurs et comment éviter que cela ne se reproduise ? Voici cinq cas concrets où une enquête, s’appuyant sur le guide d’audit Opaia du Cniel, a permis de comprendre l’origine de la contamination par des résidus d’antibiotiques.

© A.conté

Un tank positif aux inhibiteurs, c’est la hantise de tout éleveur : personne n’est malheureusement à l’abri d’une erreur. D’après une enquête réalisée par le Cniel, 95 % des accidents de résidus d’antibiotiques sont liés à une erreur humaine. Pour éviter que cela ne se reproduise, il est important en cas de problème de pouvoir expliquer ce qui s’est passé. « Le cas classique est celui de l’éleveur suspectant une vache d’être à l’origine du problème en oubliant complètement toutes les autres. Si ce n’est pas elle, il peut se retrouver confronté à des accidents successifs », constate Frédéric Lemarchand, du laboratoire Zoetis, lors de son intervention aux Journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV) en novembre dernier. Un guide d’audit Opaia (1) détaille la conduite à suivre pour identifier la cause possible de présence de résidus. Il a été élaboré par un groupe de travail associant le Cniel, les fabricants de médicaments, les vétérinaires, et les laiteries. « Il s’agit d’une véritable enquête car souvent l’investigation est menée plusieurs jours, voire plusieurs semaines après l’accident », précise Frédéric Lemarchand. Voici cinq cas concrets de contamination du lait de tank analysés suivant la méthode Opaia, remontés par le groupe de travail Antibiothérapie et lutte contre l’antibiorésistance du SIMV (2). Cinq cas (3) riches d’enseignements qui montrent comment le tank a pu être contaminé alors que les éleveurs pensaient avoir tout mis en œuvre pour l’éviter.

(1) Opaia : Outil post-accident inhibiteurs/antibiotiques.
(2) SIMV : Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire.
(3) Exemples du Mooc « Maîtriser les traitements vétérinaires et l’absence de résidus d’antibiotiques dans le lait » réalisé par le Cniel, l’Anses, le SIMV et la SNGTV qui est disponible sur le site du Cniel.

Premier cas : une erreur sur un animal traité

• Le jour de l’accident - Une citerne de 15 600 litres est confirmée positive. Un seul point de collecte (représentant 2 500 litres) parmi les quinze de la tournée est positif. Il s’agit d’un élevage de 45 vaches. Le producteur suspecte une vache traitée en lactation avec un médicament A qui aurait contaminé le tank malgré le respect du temps d’attente. Deux vaches en lactation ont été traitées avec un protocole comprenant un intramammaire associant deux antibiotiques (A et B) et un antibiotique injectable. En parallèle, une vache a été traitée avec un intrammamaire hors lactation (C) mais aussitôt écartée du troupeau à l’issue du traitement.

• L’enquête - La première étape a consisté à regarder si l’hypothèse du médicament A suspectée par l’éleveur était plausible. « On se place dans l’hypothèse extrême où l’intégralité du médicament serait passée dans le tank, et on évalue si, après dilution dans la citerne de 15 600 litres, les seuils de détection des tests seraient atteints. Ce n’est pas le cas du médicament A, l’hypothèse est donc écartée. En revanche, le même raisonnement appliqué au médicament hors lactation C montre qu’un résultat de citerne positif est possible : l’erreur avec ce médicament est donc plausible », explique Frédéric Lemarchand.

L’étape suivante a été de reprendre les différents traitements effectués, les différentes collectes, et à les positionner avec les délais d’attente. « Cette vision chronologique montre que l’accident est concomitant à la manipulation de l’intramammaire hors lactation. »

La succession de tests effectuée par l’éleveur sur la vache suspecte montre aussi que la vache a mis un certain temps à devenir négative. Dans la pharmacie de cet élevage, l’intramammaire hors lactation est placé à proximité des intramammaires en lactation. Par ailleurs, aucun autre facteur de risque n’a été identifié.

Que s’est-il passé ? - Tout converge pour affirmer que le résultat positif est très probablement dû à l’utilisation d’un traitement hors lactation sur une vache en lactation. Pour éviter que cela se reproduise, il a été conseillé de séparer dans la pharmacie les traitements en lactation des traitements hors lactation. Et de bien s’assurer du nom du médicament au moment de son administration.

Deuxième cas : une erreur d’identification

 

 
Il faut identifier les animaux traités au tarissement. © J.-M. Nicol
Il faut identifier les animaux traités au tarissement. © J.-M. Nicol

 

• Le jour de l’accident - Une citerne de 24 000 litres est confirmée positive. Un seul point de collecte parmi les dix de la tournée est positif. Il s’agit d’un élevage de 80 vaches représentant 4 100 litres. Deux contrôles de suite de la citerne sont positifs ; l’éleveur, paniqué, ne savait absolument pas ce qui avait pu se produire. Aucune vache n’a été traitée en lactation, une seule vache a été traitée hors lactation et aussitôt écartée du troupeau ; contrôlée au champ, son numéro de travail correspond bien.

• L’enquête - Il y a une complète cohérence entre les traitements inscrits sur le cahier sanitaire et les prescriptions délivrances : la traçabilité est parfaite.

Pour écarter toute suspicion de flacons intervertis (même si, aujourd’hui, avec les codes-barres le risque est minime), la première étape a consisté à reprendre l’historique des résultats qualité (TB -TP - cellules) de façon à s’assurer qu’il s’agit bien du prélèvement de l’élevage.

Comme il n’y a pas de piste sur une vache, des analyses ont été réalisées sur toutes les vaches. « Mais il faut être vigilant quand on utilise des analyses individuelles sur des vaches, rappelle Frédéric Lemarchand. Car lorsqu’on teste une vache au-delà de la période colostrale avec un test qui détecte jusqu’à dix fois moins que la LMR (limite maximale de résidus), le test peut être positif alors que la vache est dans la conformité par rapport à la législation et qu’elle n’est pas à l’origine de la contamination du tank. » Dans ce cas-ci, une seule vache (sur les 80 testées individuellement pendant la traite) est positive, et le tank correspondant était également positif : elle est donc bien à l’origine de la contamination.

• Que s’est-il passé ? - Sur cet élevage, il y a un historique de regroupements de cheptels. Deux vaches portent le même numéro de travail 2475 (ce qui n’est pas si rare). Et deux intervenants sont intervenus sur la vache 2475 : un intervenant qui demande à tarir la 2475, et le trayeur présent ce jour là qui écarte du troupeau « sa 2475 ». Il continue à traire la 2475 qui a reçu l’intramammaire hors lactation. D’où la recommandation d’identifier les animaux traités au tarissement et de s’assurer d’une très bonne communication entre les intervenants.

Troisième cas : un manque de traçabilité

Le jour de l’accident - Une citerne de 21 500 litres est confirmée positive. Un seul point de collecte parmi les douze de la tournée est positif. Dans cet élevage de 50 vaches, aucune vache n’a été traitée en lactation. Une vache, tarie le 8 mai, a été traitée hors lactation ; elle a vêlé le 20 juin et a été remise au tank le 26 juin.

• L’enquête - La conclusion de la laiterie est que l’intramammaire hors lactation est à l’origine de la contamination du tank à l’issue de la période colostrale. Cette conclusion est-elle plausible ? Un calcul de cohérence est réalisé en regardant quelle serait la quantité d’antibiotique nécessaire pour atteindre les seuils de détection de la molécule en question sur 21 000 litres de lait. Le calcul aboutit à une quantité d’antibiotiques nettement plus importante que celle contenue dans l’intégralité de l’un des quatre tubes du traitement hors lactation. « L’hypothèse d’une contamination à l’issue de la période colostrale parait donc très peu probable, explique Frédéric Lemarchand. D’autant plus que les données RCP de ce médicament indiquent que, dès le 4e jour postpartum (on est à 6 jours), le lait est conforme à la législation (c’est-à-dire en dessous de la limite maximale de résidus). Et que les temps d’attente sont calculés à l’échelle de la vache. Or, le résultat positif du tank a été obtenu en appliquant les tests sur la production des 35 vaches du troupeau. » (NDLR donc en diluant fortement)

La vache a été testée plusieurs fois sur la période qui a suivi l’accident. Les résultats ne permettent pas d’affirmer que cette vache est à l’origine de l’accident. Par contre, il y a un manque flagrant de cohérence entre le nombre de mammites et le nombre de traitements renseignés dans le carnet sanitaire.

• Que s’est-il passé ? - La conclusion de l’enquête Opaia est qu’un traitement autre que celui hors lactation a probablement été effectué sur la vache et non noté dans le carnet sanitaire. La recommandation a été de noter systématiquement tous les traitements administrés et d’identifier les animaux traités.

Quatrième cas : du lait résiduel de griffe en traite robotisée

 

 
La recommandation a été de réactiver la fonction « rinçage de la griffe » du robot. © J.-C. Gutner - archives
La recommandation a été de réactiver la fonction « rinçage de la griffe » du robot. © J.-C. Gutner - archives

 

• Le jour de l’accident - L’élevage de 70 vaches, avec une stalle robotisée, en est à son quatrième accident sur une année. Trois vaches en lactation ont été traitées, enregistrées et écartées, ainsi que trois vaches hors lactation.

• L’enquête - Suite au quatrième résultat de tank positif, toutes les vaches ont été testées : douze d’entre elles étaient positives. Ce qui est clair, c’est qu’il y avait lors de chacun des quatre accidents une vache en traitement ou sous délai d’attente. L’investigation menée sur le robot a montré que l’éleveur avait désactivé la fonction « rinçage de griffe » entre deux vaches.

• Que s’est-il passé ? - L’hypothèse la plus probable est la contamination du tank par le lait résiduel de griffe. Celui-ci peut représenter 25 centilitres de lait ; en fonction de la nature du médicament utilisé, il peut potentiellement être une source de contamination. La recommandation a été de réactiver la fonction « rinçage de griffe » du robot.

Cinquième cas : délai de saisie des traitements en traite robotisée

 

 
Il faut bloquer les vaches à l'issue du traitement jusqu'à la saisie dans l'ordinateur.  © E. Bignon - archives
Il faut bloquer les vaches à l'issue du traitement jusqu'à la saisie dans l'ordinateur. © E. Bignon - archives

 

• Le jour de l’accident - Une citerne est confirmée positive. Un seul point de collecte parmi les tanks qui constituent cette citerne est positif. Les vaches en traitement sont correctement identifiées et enregistrées dans le logiciel du robot

• L’enquête - Il y a une cohérence totale entre le carnet sanitaire et les prescriptions. Les vaches vêlées sont correctement identifiées et écartées pendant la période colstrale. Pourtant l’accident est bien concomitant de l’utilisation de traitements intramammaires en lactation. Après vérification, l’enregistrement du traitement dans le logiciel du robot est effectué tardivement après la mise en œuvre du traitement. Le jour de l’accident, l’analyse des données du robot montre qu’une vache a été traitée à 9 heures du matin, et qu’elle est allée se faire traire à 9 h 05 en accord avec les délais paramétrés (soit un délai de 4 heures entre deux passages au robot).

• Que s’est-il passé ? - Cette vache a été traite avant que le paramétrage du robot ne soit modifié. La recommandation est de bloquer la vache à l’issue du traitement jusqu’à la saisie dans l’ordinateur.

Un dispositif de contrôle sous la responsabilité du Cniel

 

 
Le dépistage sur lait de tank est fait en 3 heures avec le Delvotest T. © F. Lemarchand
Le dépistage sur lait de tank est fait en 3 heures avec le Delvotest T. © F. Lemarchand

• Des contrôles sont réalisés à chaque collecte depuis janvier 2020 dans le cadre des analyses de paiement du lait : ils se font en deux temps, avec un dépistage et une confirmation en cas de résultat positif. Le dépistage est fait en 3 heures avec un test (Delvotest T) non spécifique d’une famille d’antibiotiques. La confirmation est effectuée avec trois tests immuno-enzymatiques en parallèle ; ils sont spécifiques de certaines familles d’antibiotiques et sont très rapides (quelques minutes). Il y a pénalisation lorsque le test de dépistage et au moins l’un des trois tests sont positifs.

Des autocontrôles systématiques de chaque citerne sont réalisés avant dépotage par la laiterie. Le dépistage est effectué par un premier test dit rapide. S’il réagit, la confirmation est faite avec la méthode officielle utilisée en élevage. En cas de résultat positif, la citerne est détruite. Une partie du coût (1) est à la charge de l’éleveur, le solde est pris en charge par un fonds d’indemnisation interprofessionnel. L’échantillonnage systématique à chaque collecte permet d’identifier l’élevage à l’origine de la contamination de la citerne.

Quatorze laboratoires sont habilités à faire des tests. Les tests sont réévalués tous les trois ans par le Cniel sur avis de l’Anses. Des seuils de détection sont fixés pour chaque test et pour chaque famille d’antibiotiques (méthode officielle). À noter que les autocontrôles en élevage (avec un kit de dépistage ou un prélèvement déposé à la laiterie) ne sont pas opposables en cas de litige.

(1) Exemple à titre indicatif : de l’ordre de 2 000 € pour une livraison de 2 000 l ayant contaminé une citerne de 21 540 l dans le Grand Ouest.

Dix recommandations pour éviter un tank positif

• Marquer tous les traitements dans le cahier sanitaire

• Identifier toutes les vaches traitées

• Respecter les prescriptions (délais d’attente)

• Transmettre les consignes

• Écarter le lait des 4 quartiers pendant tout le temps d’attente

• Se méfier des bidons de dérivation trop petits

• Rincer la griffe après la traite d’une vache traitée

• Respecter les délais par rapport aux vêlages

• Être vigilant pour les vaches taries

• En cas de doute : appeler la laiterie avant la collecte et faire des tests

Le saviez-vous ?

En cas de doute, si vous ne livrez pas le lait, l’acheteur indemnise le lait détruit à hauteur de 50 %. Cette indemnisation est applicable une fois par an et par exploitation.
10 % des cotisations au Cniel servent à payer des citernes positives.

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