« Nous réinvestissons pour assurer l'avenir de notre ferme laitière dans l'Orne »
Avec 80 vaches laitières en AOP camembert de Normandie, Estelle et Sylvain Quellier ont choisi d'améliorer les conditions de travail et la conduite du troupeau avec un projet bâtiment. L'objectif est de maintenir leur ferme attractive.
Avec 80 vaches laitières en AOP camembert de Normandie, Estelle et Sylvain Quellier ont choisi d'améliorer les conditions de travail et la conduite du troupeau avec un projet bâtiment. L'objectif est de maintenir leur ferme attractive.


La ferme d'Estelle et Sylvain Quellier se situe dans l'Orne, en zone AOP camembert de Normandie, sur des sols à potentiel moyen : 12 à 14 t MS/ha pour le maïs ensilage non irrigué. Le système est mixte avec deux tiers de la surface en herbe, un quart en maïs et un peu de céréales. Les éleveurs valorisent un parcellaire groupé, dont 27,5 hectares sont des prairies accessibles pour le pâturage des 70 à 75 vaches traites. « Nous avons voulu un système vivable et respectueux de l'environnement, avec 0,77 kg éq. CO2/l lait d'empreinte carbone nette. La production comprise entre 6 800 et 7 200 litres par vache et par an est adaptée au potentiel de nos sols », résument Estelle et Sylvain Quellier.
Réduction de voilure ou nouveau projet ?
Le couple s'est installé ensemble en 2010 sur la ferme des parents de Sylvain Quellier, qu'ils ont spécialisée en lait et agrandie progressivement pour y vivre à deux. Les bâtiments étant saturés et les remboursements d'emprunts liés à leur installation s'arrêtant fin 2025, le couple se trouvait devant deux orientations possibles.
Fiche élevage
2 associés et 0,2 salarié
80 vaches normandes (65 %) et prim'Holstein (35 %)
518 000 l de lait en AOP camembert de Normandie, pour un contrat de 542 000 l
44,97 g/l de TB et 35,31 g/l de TP
1,1 t de concentrés par vache ou 177 g/l
104 ha de SAU dont 62 ha de prairies, 24 ha de maïs fourrage, 8 ha de blé, 5 ha d'orge de printemps et 5 ha de trèfles
« Soit nous réduisions la voilure et passions en système très économe, en développant l'herbe au détriment du maïs et des céréales, et en diminuant le nombre de vaches laitières. Soit nous réinvestissions avec trois objectifs. Le premier étant d'augmenter la place pour les animaux et améliorer ainsi l'ambiance des bâtiments et la conduite des taries, des génisses et des laitières, et par conséquent gagner en performance animale. Le deuxième étant d'augmenter un peu la production laitière avec dix vaches de plus, ce qui est possible à foncier constant. Et nous pouvons augmenter la surface en herbe accessible aux vaches en lactation. Et le troisième objectif étant de gagner en confort du travail. Le tout améliorera l'attractivité de la ferme. Même si nous n'avons que 45 ans, il faut en effet déjà songer à la transmission », développent Estelle et Sylvain Quellier.
Un nouveau bâtiment et un agrandissement
C'est la seconde voie que le couple choisit. Les travaux démarreront cet été. Le projet consiste à faire construire un nouveau bâtiment pour les génisses pleines, les vaches taries et pour la finition des vaches de réforme, ainsi qu'un espace de stockage du foin et de la paille. Il se dressera à la place d'une pâture pour les taries, à proximité de la stabulation des laitières. « Aujourd'hui, le manque de place pénalise l'ambiance et donc les performances animales, et implique plus de paillage et de curage, ce qui donne plus de travail. Nous n'arrivons pas à constituer des lots de génisses suffisament homogènes ; il y a donc trop de compétitions entre animaux. Enfin, nous n'arrivons pas toujours à finir les réformes en hiver. Nous avons donc beaucoup à gagner avec ce projet », résume Sylvain Quellier.

L'ancien bâtiment génisses accueillera les génisses de plus de 6 mois. « Jusque-là, nous avions une dizaine d'animaux dehors chaque hiver. »
Le projet concerne aussi le bâtiment des vaches en lactation. Les éleveurs vont l'allonger pour y ajouter vingt-et-un cornadis, dix logettes et une case paillée en plus. « C'est notre priorité, car actuellement, la stabulation est vraiment saturée avec 68 logettes, un box infirmerie et 63 cornadis pour 70 à 75 vaches traites. Or, en saison de pâturage, comme le temps à l'auge est limité, ce manque de place au cornadis est un vrai frein », pointe Estelle Quellier. Le bâtiment pourra alors accueillir dix vaches supplémentaires.
Préparer la future arrivée du robot de traite
L'agencement a également prévu la possibilité d'intégrer deux robots de traite pour améliorer l'attractivité de la ferme. « Nous investirons dans plusieurs années dans deux robots d'occasion, car en système pâturant et en lait cru AOP camembert de Normandie, il faut compter une stalle pour cinquante vaches », précise Sylvain Quellier. Ce projet se fera plus tard car « il faut déjà voir comment ça se passe avec les nouvelles installations, préparer une nouvelle circulation des vaches entre le pâturage et le bâtiment ». Et c'est aussi une façon d'étaler les remboursements d'emprunt.
Ce projet va consolider la performance de leur système. Estelle et Sylvain Quellier ont encore d'autres projets. « Nous prévoyons de planter cet automne des lignes d'arbres dans une prairie pour faire de l'agroforesterie. Et enfin, nous préparons un projet photovoltaïque sur le toit du nouveau bâtiment. »
Bonne valorisation de l'herbe à coûts réduits
Même si l'arrivée d'un robot de traite est prévue, les éleveurs veulent continuer à faire pâturer les vaches autant qu'aujourd'hui. Leur système pâturant est en effet au cœur de leur stratégie.

En 2015, la fin des quotas laitiers et la baisse du prix du lait les ont amenés à réduire les charges en valorisant davantage l'herbe pâturée. Des chemins et le réseau d'eau d'abreuvement ont été réalisés en 2018. Les éleveurs ont investi dans des piquets et des fils pour redécouper les parcelles de manière à faire pâturer ras sans surpâturage : c'est le principe des petits paddocks, avec un chargement animal instantané élevé mais sur une très courte durée.
Très peu de prairies sont exploitées en fauche pure. « Notre objectif est que l'herbe coûte le moins cher possible grâce à un maximum de pâturage et un minimum d'interventions avec du matériel – épandage, hersage, semis, récolte », résume Sylvain Quellier.
Le silo de maïs est fermé deux à trois mois
Dans un souci d'économie des concentrés, les éleveurs ferment le silo de maïs deux à trois mois dans l'année, d'avril à juin-juillet. Les laitières ont alors en complément du pâturage, du maïs grain, de l'enrubannage et des minéraux. Le pâturage ne s'arrête complètement que l'hiver durant deux à trois mois.

La ration mélangée est alors composée de maïs ensilage, d'ensilage d'herbe ou de dérobées (ray-grass d'Italie et trèfles), d'enrubannage de trèfle violet, de foin, de tourteau de colza (2,5 kg brut par vache en 2023-2024), d'orge aplatie (0,7 kg/VL), de minéraux et de sel. Un concentré du commerce à 38 % de protéine est distribué au DAC (1 kg/VL). Entre les deux périodes, la ration s'adapte à l'herbe pâturée disponible. Et au DAC, il y a soit un concentré à 38 % de protéine, soit un concentré à 18 % de protéine, selon la qualité de l'herbe.
Des quantités de concentrés ajustées au contexte

Il y a huit ans, les éleveurs avaient une stratégie plus économe qu'aujourd'hui avec à peine 900 kg de concentrés par vache laitière. « Puis, avec l'amélioration du potentiel génétique des vaches, nous avons augmenté le concentré, car elles le valorisent bien », commente Sylvain Quellier.
« Sur la période 2023-2024, nous n'avons pas pu réduire les concentrés car les fourrages étaient de moins bonne qualité, mais il nous est arrivé d'en distribuer moins quand la qualité des fourrages le permettait. »
Depuis l'hiver 2024, « nous avons intérêt à faire exprimer davantage le potentiel laitier de nos vaches, expose t-il. En effet, le prix du lait et celui de la viande sont bons. Et le coût des aliments a baissé par rapport à 2023-2024. C'est une combinaison qui rend valable le fait d'apporter plus de concentrés pour produire plus de lait à la vache ».
La rentabilité au Gaec des prairies normandes - Résultats économiques du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024
Produits | 420 456 € |
Produits de l’atelier lait | 335 478 € |
dont lait vendu à la laiterie | 283 540 € |
animaux | 51 938 € |
Produits végétaux | 21 033 € |
Total aides et aides exceptionnelles | 53 127 € |
Autoconsommation, autres | 10 818 € |
Charges | 284 225 € |
Charges opérationnelles | 85 377 € |
dont aliments et fourrages achetés | 49 553 € |
engrais, phytos, semences | 16 919 € |
frais vétérinaires et de reproduction | 10 150 € |
fournitures diverses | 8 755 € |
Charges de structure hors amortissements | 198 848 € |
dont carburant, lubrifiant | 18 775 € |
charges de personnel | 35 182 € |
électricité, gaz, eau | 10 588 € |
fourniture d’entretien et de petits équipements | 10 371 € |
locations et charges locatives | 18 820 € |
travaux et services | 35 661 € |
assurances | 15 372 € |
entretien et réparations | 24 232 € |
impôts et taxes | 4 189 € |
rémunération d’intermédiaires, honoraires | 11 661 € |
autres | 13 997 € |
EBE : 136 231 € | |
Approche comptable | |
Amortissements | 64 980 € |
Frais financiers | 9 319 € |
Résultat courant | 61 932 € |
Approche trésorerie | |
Annuités long et moyen terme | 70 522 € |
Frais financiers court terme | 527 € |
Revenu disponible | 65 182 € |
Source : Cogep | |
L’EBE/Produit à 32 % traduit une bonne performance économique, liée à la maîtrise des charges opérationnelles et à un bon produit lait, grâce à la recherche d’un maximum de primes à la qualité du lait. « Habituellement, nous sommes plutôt à 40 %. Cette année-là, nous avons eu des charges de personnel exceptionnelles », souligne Sylvain Quellier. Les charges de structure et les investissements sont maîtrisés car peu de matériels sont détenus en propre. Le Gaec travaille beaucoup en Cuma et avec l’ETA. « Les éleveurs sont prudents et raisonnent leurs investissements », souligne Xavier Peudenier, conseiller Cogep. Les emprunts liés à l’installation des éleveurs s’arrêteront fin 2025. Le nouveau projet bâtiment entraînera de nouveaux remboursements, qui correspondent au niveau de ceux liés à l’installation. |