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Initiative en Alsace
Natur’Al, un poulet local au standard plus élevé

Pour être en phase avec la demande, l’abatteur alsacien René Meyer bascule sa production de poulets vers un modèle qui allonge la durée d’élevage et adopte des critères avancés de bien-être animal.

Voir l’ensemble de ses producteurs arriver à l’âge de la retraite sur un court laps de temps est un handicap. Sauf à transformer cette évolution en opportunité et revoir l’ensemble de la copie. C’est cette seconde option qui a été choisie par les Volailles Meyer il y a quatre ans. Elle s’est articulée autour de la demande du marché vers plus de qualité et de bien-être animal pour déboucher sur la marque Natur’Al. À 56 jours d’élevage minimum, ce modèle se veut à mi-chemin entre l’intensif de 46 jours et le label rouge de 81 jours. Dix bâtiments neufs, à ventilation statique avec sortie d’air par la faîtière et deux ventilateurs en pignon (pour sécuriser la période chaude), ont été édifiés par le constructeur BFC en deux ans.

À Ittlenheim, près de Strasbourg, Olivier Schiffler est l’un des six éleveurs figurant dans ce premier groupe. Installé hors cadre familial sur 11 ha, dont 6 toujours en herbe, il a démarré le poulet en 2016 en investissant 200 000 euros, terrassement compris, dans un bâtiment à lumière naturelle de 400 m² avec un jardin d’hiver de 140 m² et un parcours enherbé de 500 m², bientôt correctement ombragé par neuf lauriers choisis pour leurs feuilles persistant toute l’année. Les poussins de souche JA 957 arrivent du couvoir par lots de 12 000 (+ 2 % de gratuits), déjà vaccinés contre la maladie de Gumboro et la bronchite infectieuse. De la paille broyée sur le sol en béton procure une litière de 8 cm d’épaisseur environ. « En treize bandes, je n’ai jamais constaté de litière dégradée », note Olivier. Une dizaine de bottes de paille et deux plateformes munies de rampes servent de perchoirs. « Elles se remplissent à partir de la troisième semaine. À un mois d’âge, je donne accès au jardin d’hiver. Le parcours est ouvert jour et nuit dès que la température extérieure dépasse les 10 degrés », détaille Olivier.

Des résultats conformes aux prévisions

L’objectif est de produire été comme hiver un poulet de 2,2 à 2,3 kg vif. Deux desserrages de 1 000 têtes à chaque fois interviennent à 25 jours pour des poussins de 700 à 750 g et à 28-30 jours pour des coquelets de 900-950 g. Le chargement baisse à 18,5 kg/m². Le cahier des charges Natur’Al prévoit un plafond de 30 kg. L’éleveur achète quatre formules d’aliment non OGM à 50 % minimum de céréales pour les périodes de démarrage (1 à 14 jours), croissance (15 à 32 j), finition (33 à 42 j) et abattage (43 à 56 j). Sur un lot moyen, l’indice de consommation, poussins et coquelets compris, atteint 2,2. La mortalité stagne sous les 2 %. Le prix de reprise est indexé sur le cours de l’aliment. « Le revenu est plus sécurisé que ce que j’obtiens avec mes 450 places de porcs à l’engrais, remarque Olivier. La marge poussin-aliment d’un lot s’élève à 12,85 €/m² jardin d’hiver compris. Je ne voulais pas me lancer dans un modèle avec des bandes de 30 000 ou 40 000 oiseaux. Un parcours extérieur, c’est agréable pour les animaux et pour la vue. Mon projet était de faire moins mais mieux. J’ai des contraintes de présence mais je ne regrette pas mon choix. Les résultats techniques et économiques sont conformes aux prévisions », juge Olivier à qui il reste à installer un système de brumisation dans le bâtiment en prévision de pics de températures à 35°C, voire plus. Au départ, des opposants au projet avaient élevé la voix. Le maire l’a en revanche soutenu en lui accordant un permis de construire. « Depuis deux ans, je n’ai eu aucune remarque désobligeante », se félicite Olivier.

« Le concept du bâtiment clos éclairé de manière artificielle ne convient plus au marché », estime Pierre Meyer, PDG des volailles Meyer. C’est en 2015 qu’il a fait tester six bandes élevées selon le concept Natur’Al inspiré de choix techniques repérés en Suisse. « Ce modèle associe une souche qui supporte aussi bien le froid que le chaud à un bâtiment qui met les animaux en activité. Plus ils grandissent, plus l’espace mis à disposition augmente. Ce sont eux qui choisissent comment ils s’adaptent à la météo du jour. La lumière naturelle joue sur leur comportement. Ils bougent davantage. Cela a un impact sur leur musculature et la qualité de la viande. » L’éleveur s’y retrouve aussi. « Aujourd’hui, il a besoin d’être rassuré. Il prend plaisir à travailler dans un tel bâtiment qui veut concilier bien-être animal et humain avec le respect de l’environnement. »

Avec Natur’Al, les Volailles Meyer se positionnent sur « un rapport qualité/prix haut de gamme » qui se veut « accessible à une grande majorité de consommateurs ». « Le marché offre encore de la place à un tel produit local », affirme Pierre Meyer. L’entreprise trouve 40 % de ses débouchés en grande distribution, 30 % auprès des collectivités, 20 % dans le réseau des boucheries et 10 % en direct au point de vente de Wingersheim, accolé à son outil d’abattage. « Une partie du surcoût a déjà pu être répercutée. Cela passe par un surcroît d’explications à l’acheteur », assure Pierre Meyer. À terme, il envisage également de solliciter ses éleveurs pour aller à la rencontre des consommateurs sur les points de vente.

Doubler de volume en deux ans

Les Volailles Meyer contractualisent leurs apports annuellement avec tacite reconduction auprès de quinze éleveurs dans un rayon de soixante kilomètres. Ils auront fait basculer la totalité de leurs apports en poulets Natur’Al en cours d’année. L’abatteur table sur la mise en service de dix bâtiments supplémentaires dans les deux ans. De quoi quasiment doubler la production. Cette montée en puissance va de pair avec des investissements dans l’outil d’abattage. La nouvelle ligne aura une capacité de 2 500 têtes/h contre 1 500 à l’heure actuelle. Sa mise en service doit intervenir fin avril. Les 15 000 poulets, coquelets et poussins abattus pour l’instant chaque semaine se répartissent entre Natur’Al pour 70 % (un bâtiment mis en place par semaine), le label rouge pour 20 % et le bio pour 10 %. L’objectif est de passer sur un volume hebdomadaire de 20 000 à 25 000 volailles. La diminution de la part du poulet prêt à cuire incite à privilégier la découpe, les préparations et en particulier une large gamme de charcuterie de volaille.

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