Volaille : une décision édifiante de l'Autorité de la concurrence

L'Autorité de la concurrence a rendu public, par un communiqué du 16 mai 2011 dit « communiqué sanction », sa méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qu'elle est tenue de respecter, sauf circonstances particulières ou raisons d'intérêt général. Dans ce dossier concernant une filière sinistrée, elle a décidé de s'en écarter, non pas en raison des difficultés de ce secteur, ce à quoi elle avait été vivement exhortée, notamment par le Sénat, mais ce que la jurisprudence lui interdit, mais au vu de l'engagement des parties de constituer une interprofession, relevant que l'acceptation de tels engagements peut répondre à l'objectif de rétablissement pour l'avenir d'une situation normale de concurrence.
Rappelons que les pratiques contestées consistaient, pour une première période, en des discussions sur les prix, qu'il s'agisse des prix constatés sur les marchés ou d'objectifs de prix, voire de prix conseillés, ne constituant pas une entente tarifaire, mais réduisant indûment l'incertitude de chaque opérateur dans sa négociation commerciale ; et dans une deuxième période, en une concertation ayant pour but de contraindre la distribution à ouvrir des négociations sur des hausses de prix rendues nécessaires par celles du coût des matières premières.
Intérêt généralPassant en revue les diverses études officielles sur l'origine des difficultés de la filière (plan Berger d'avril 2013, réflexion stratégique FranceAgriMer de décembre 2013, rapport Malpel de mars 2014), l'Autorité constate que tous relèvent une absence de dialogue dans une confrontation ardue avec l'aval et l'impératif de constituer une organisation interprofessionnelle, qui n'a jusqu'à ce jour pas abouti en raison de l'émiettement et de la désorganisation des acteurs. Elle relève pourtant que les moyens d'intervention dont disposent les organisations interprofessionnelles, renforcés par la nouvelle OCM et les nouvelles dispositions du Code rural (contractualisation), pourraient être déterminants. Dans un tel contexte, l'engagement pris par les industriels, à l'initiative de LDC, de travailler à la mise en place d'une interprofession étendue à la distribution lui paraît répondre à un intérêt général clairement identifié et de nature à permettre au secteur de franchir une étape majeure et de rendre sans utilité des pratiques occultes de concertation qu'elle se refuse d'excuser.
Hommage rendu à l'interprofessionL'engagement collectif proposé comporte trois volets : la constitution et le financement d'un comité de préfiguration et la remise, avant le 5 novembre 2017, d'un rapport sur les travaux réalisés et ceux restant à accomplir (obligation de résultat) ; l'accomplissement des meilleurs efforts pour parvenir à la création de l'interprofession du secteur avicole avant le 5 mai 2018 (obligation de moyens) ; la désignation d'un mandataire indépendant chargé de contrôler le respect des engagements ci-avant en participant à l'ensemble des travaux en résultant et de faire tous les six mois un rapport à l'Autorité. Il est accepté, sans que la décision de l'Autorité évoque quelles seraient les conséquences du non-respect des engagements ainsi pris, à échéance relativement lointaine. L'Autorité considère en effet que cet engagement est susceptible d'avoir, pour le respect durable des règles de concurrence, une efficacité plus grande que les sanctions pécuniaires habituelles.

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Même si l'Autorité se plaît à souligner que les raisons de sa décision sont à la fois exceptionnelles et spécifiques au cas d'espèce (elle exclut explicitement d'agir de même, par exemple, pour la filière du porc), on ne peut que relever l'hommage ainsi rendu à l'organisation interprofessionnelle, ici considérée comme un lieu où l'échange d'informations et le dialogue collectif entre opérateurs, qui seraient ailleurs répréhensibles, répondent à l'intérêt général de la structuration d'une filière.