Volaille : « la crise a accentué les tendances lourdes »
        
      
      
      LM : Peut-on aujourd’hui dresser un bilan de la crise de l’influenza aviaire ?
Pascale Magdelaine : Globalement, les effets de la crise se sont fait sentir d’octobre 2005 à octobre 2006, avec une consommation française en baisse sur cette période de 5 à 6%, donc moins que ce que les professionnels craignaient en début de crise. Sur l’année 2006 complète, le marché intérieur est stable, même si les achats des ménages régressent de 3,5%, le 4ème trimestre rattrapant les 3 premiers et la RHD compensant la baisse des achats des ménages. Les 8% de baisse de production enregistrés par les industriels sur 2006 sont donc liés non pas à la chute de la consommation intérieure mais bien à l’effondrement des exportations.
En France, le poulet a retrouvé sa consommation d’avant la crise dès octobre, mais la dinde souffre encore. Les achats des ménages de dinde hors élaborés ont perdu 11% en un an. Sur les quatre trimestres de crise qui constituent une « année » mobile, la FIA note des baisses globales de la consommation de volailles de 7%, puis 11% puis 8% puis 4% alors que TNS (ex panel Secodip) donne une baisse globale assez similaire de 6%.
La différence entre ces deux sources peut s’expliquer par les évolutions de la restauration hors foyer, sauf pour quelques points qui nous interrogent. Ainsi, TNS modère les pertes en poulets entiers qui, selon les industriels, sont pourtant les premiers et les plus durement touchés par la crise au 4ème trimestre 2005. Puis, sous l’effet de la pression d’information, notamment la prise de parole des pouvoirs publics et, surtout la mise en place de promotions du type « deux poulets pour le prix d’un », privilégiant la consommation de poulets entiers aux dépens des découpes, tout le rayon est touché à partir de mars 2006.
LM : Les fondamentaux sont donc bouleversés ?
PM : Pas au début de la crise : les tendances lourdes de la consommation en France sont, en effet, la baisse des poulets entiers, la stabilité des découpes et la poursuite de la progression des élaborés. C’est tout à fait ce que la FIA note en début de crise, les tendances étant même accentuées. Dès février, un sondage BVA pour le CIV montre qu’à plus de 70% les consommateurs sont rassurés par des signes de qualité comme les labels. Pourtant ce sont eux qui ont souffert le plus. De fait, étant aux deux tiers commercialisés en entier, les labels ont sûrement plus souffert de leur présentation. Leur avantage à long terme ne peut donc pas gommer les images TV à court terme, la montée de l’irrationnel.
Il faut donc absolument séparer la communication conduite en temps de crise de la communication à long terme hors crise : à ces moments-là les garanties et les éléments de réassurance (origine, traçabilité…) redeviennent audibles. En début de crise, il semble aussi que les consommateurs se soient tournés vers les circuits courts, la proximité redevenant un élément fort de réassurance, mais nous ne disposons pas d’éléments de mesure de ces marchés.
LM : Le comportement du consommateur serait-il donc purement affectif ?
PM :On ne peut nier la part de la peur dans l’évolution des achats des ménages. Cependant, je pense que la gestion de l’offre a eu un effet déterminant dans l’évolution des marchés, que ce soit le manque de marchandise, notamment de poulets entiers en rayon en début de crise, ou les politiques promotionnelles sur ces poulets entiers en mars et avril 2006. Les achats se sont alors sûrement pour partie substitués aux achats de découpe de poulet voire de dinde. Autre décision qui amplifie la crise : les labels ont très fortement réduit leurs productions de découpes qui, en raison de leur coût, ne peuvent être valorisées que dans un marché assez porteur.
LM : Les tendances ont-elles été les mêmes partout ?
PM : Nous n’avons pas des indicateurs aussi précis dans tous les pays, mais les pays du Sud qui ont été les plus touchés et très tôt, comme la Grèce et l’Italie, ont des modes de consommation plus traditionnels.
Je reste sur l’idée que les tendances lourdes des marchés sont confirmées dans la crise même si elles sont perturbées par les politiques de gestion de l’offre dont certaines ont induit des effets significatifs sur d’autres segments de marché.
 
        
     
 
 
 
 
 
