Vins : les rosés roulent désormais à deux vitesses
N’a-t-on pas essayé d’expliquer au consommateur depuis 20 ans que le rosé n’était pas un mélange de blanc et de rouge ? L’Europe vient d’en décider autrement en autorisant, pour les vins de table, l’élaboration de vin rosé à partir de coupage de rouge et de blanc. Au cabinet de Marianne Fischer-Boel, commissaire européen pour l’Agriculture et le Développement rural, on prétend que l’objectif d’une telle décision vise à donner aux producteurs européens les mêmes armes pour se battre sur le marché mondial que leurs confrères américains et à favoriser les exportations des vins européens, en particulier vers la Chine. La pratique est déjà bouteille courante en Australie, en Californie et en Afrique du Sud. « Cela relève quasiment de la contrefaçon autorisée, faire du vin rose au lien de faire du rosé » s’emporte Marc Rolley, directeur du Syndicat des côtes de Provence. « La Provence travaille depuis des années à améliorer et faire connaître la qualité des rosés, explique Jean-Jacques Bréban, président de l’interprofession. Aujourd’hui, le rosé est le seul marché en croissance, le résultat d’un travail de longue haleine qui risque d’être réduit à néant par cette mesure. Car même si les vins de Provence en appellation contrôlée seront toujours de « vrais rosés » qui ne peuvent en aucun cas être issus de coupage, il va être plus difficile de l’expliquer au consommateur ».
Une consommation triplée
En dix ans, le pourcentage de Français pensant que le rosé était élaboré à partir de blanc et de rouge était pourtant passé de 21 à 14 % et en 15 ans, la consommation avait quasiment triplé, de 8 à 22 % des vins bus dans l’Hexagone. La France, leader historique pesant près de 30 % de la production mondiale, pourrait souffrir d’une détérioration d’image des rosés bien avant de gagner des parts de marché dans l’empire du Milieu. La nouvelle législation risque de paupériser la catégorie et de créer la confusion auprès du consommateur. Mais la France pourra difficilement s’arc-bouter sur une position gauloise isolée.