Une salle de découpe pour les éleveurs
Qu’une salle de découpe uniquement destinée aux éleveurs qui pratiquent la vente directe voit le jour en Lot-et-Garonne n’est pas surprenant, au vu des espoirs de meilleure rémunération que suscite le circuit court. Le fait que ce projet soit financé par un boucher charcutier est plus étonnant. Laurent Sarrazin (c’est de lui qu’il s’agit) ne voit pourtant aucune incohérence dans sa démarche, lui qui possède deux boucheries à Lafitte-sur-Lot et à Port-Sainte-Marie.
« Je suis de ces bouchers qui vont encore acheter leurs bêtes en ferme, et j’ai bien vu, au travers des deux crises de 2000 et 2001, ESB et fièvre aphteuse, combien les éleveurs étaient désorientés, avaient du mal à vivre correctement de leur élevage dans les circuits traditionnels. Je me suis donc demandé si je ne pouvais pas faire quelque chose », se souvient-il.
Un voyage dans le Tarn, où la vente directe de viande bovine existe depuis 20 ans et est aujourd’hui relativement organisée autour d’une salle de découpe aux volumes impressionnants, et le boucher Lot-et-Garonnais est suffisamment convaincu pour se lancer. Après les tourments liés au choix du terrain, il a fini par réussir à trouver asile au Temple-sur-Lot où il a construit un atelier pour 600 000 euros d’investissements.
30 éleveurs et 8 salariés
Ouvert en février dernier, cet outil a déjà séduit une trentaine d’éleveurs et huit salariés ont été embauchés. « Un tiers des éleveurs qui recourent à nos services étaient déjà engagés en vente directe, les autres débutent justement parce qu’ils ont la possibilité de faire découper leurs carcasses à proximité », ajoute Laurent Sarrazin.
L’entreprise offre en effet une prestation de service qui peut se révéler complète, depuis l’enlèvement de la bête dans l’étable jusqu’à la découpe, pour 1,6 à 1,9 euro du kilo de carcasse. « Ce sont les éleveurs qui viennent faire les colis et nous leur louons un véhicule frigorifique pour qu’ils puissent livrer leurs clients dans les meilleures conditions». Si les trois quarts des carcasses découpés au Temple-sur-Lot sont actuellement des bovins, l’atelier travaille toutes les espèces à « quatre pattes », le porc qui est cuisiné de fond en comble, les ovins, et même les sangliers…
De moins en moins de bouchers traditionnels
Pour les bovins, 80 % de la carcasse est valorisée en morceaux à griller ou à rôtir, la plus grande partie des avants étant transformée en steaks hachés sauf les morceaux à pot-au-feu ou bourguignon.
Aujourd’hui, Laurent Sarrazin essaye de convaincre de nouveaux éleveurs, de Dordogne ou de Gironde par exemple, d’avoir recours à ses services, tout en continuant de gérer ses deux boucheries. Et ne voit pas d’incohérence, ni de concurrence pour la boucherie traditionnelle dans cette activité. « Il ne faut pas se voiler la face, il y a de moins en moins de bouchers traditionnels, les grandes surfaces se tournent vers les viandes d’importation, et il y a toujours autant de vaches grasses à valoriser !» Il permet aussi qu’elles ne soient plus valorisées « sous le manteau ».