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Une interview exclusive du ministre de l’Agriculture et de la Pêche

Barnier : ''La qualité, un vecteur de compétitivité irremplaçable''

Alors que le délai de forclusion des propositions en réponse au Livre vert proposé par la Commission européenne est fixé au 31 décembre, les réunions à Bruxelles s’accélèrent. Nous avons estimé utile, en exclusivité, de demander au Ministre de l’Agriculture la position de la France sur certains aspects de la future politique européenne en matière d’origine et de qualité.

 

Les Marchés : Existe t-il un consensus des différents Etats membres quant au Livre vert ? Le clivage Europe du nord/Europe du sud est il une réalité ?

 

Michel Barnier : Il est prématuré de considérer que les positions des différents Etats membres expriment, à ce stade, un clivage Europe du nord/Europe du sud. Je rappelle que le Livre vert lancé par la Commission européenne à la mi-octobre vise à recueillir d'ici fin 2008, à partir d'un cadre d'une vingtaine de questions très ouvertes, l'opinion de l'ensemble des citoyens européens intéressés par les politiques de qualité de l'Union européenne dans les secteurs agricole et agroalimentaire. À partir des informations recueillies, la Commission élaborera une communication au printemps 2009, accompagnée d'orientations sur lesquelles les Etats membres seront appelés à se prononcer. C'est sans doute à ce moment que les éventuelles différences d'appréciations pourront apparaître le plus visiblement.

La Présidence française a toutefois souhaité contribuer à cette réflexion en organisant un premier débat entre les délégations, autour du questionnaire proposé par la Commission. Il ressort de ces premiers échanges, une conviction très largement partagée que la qualité constitue un vecteur de compétitivité irremplaçable des productions européennes et des territoires. C'est l'enseignement principal même si, très légitimement, plusieurs délégations évoquent la nécessaire simplification des procédures administratives, la réduction des coûts et la cohérence qui doivent être recherchées entre les systèmes privés de certification et ceux qui relèvent des politiques publiques.

 

L.M : Quelle est la position de la France face aux propositions de la Commission quant à un nouveau label basé sur le bien être animal ou l'environnement ?

 

M.B : L'idée de la Commission part du constat réel que les opérateurs communautaires se voient imposées de nombreuses règles dans différents domaines, par exemple en matière d'environnement, au titre de la conditionnalité, ou de bien être animal, et qu'il serait nécessaire que le consommateur en soit mieux informé. Sur ce point, nous sommes tous d'accord.

Faut-il pour autant risquer d'introduire un peu plus de confusion dans l'esprit du consommateur en mettant en place de nouveaux logos ou labels publics, alors que nous disposons déjà de plusieurs signes de qualité au plan européen ? Rien n'est moins sûr. Plusieurs délégations préconisent plutôt de développer des campagnes d'information plus ambitieuses. Par ailleurs, dans le prolongement du Grenelle de l'environnement, la France propose d'encourager l'introduction, sur une base volontaire, de critères environnementaux et de durabilité dans les cahiers des charges existants des signes de qualité, dés lors que la spécificité du signe considéré est préservée et qu'il n'y a pas de risque de confusion pour le consommateur vis-à-vis des produits d'agriculture biologique.

 

L.M : Quelle est la position de la France vis-à-vis de la spécialité traditionnelle garantie (STG) ? Aménagement ou disparition ?

 

M.B : Il est vrai que la spécialité traditionnelle garantie (STG) a connu un développement moins important que les signes à indication géographique. Seules une vingtaine de STG sont reconnues au plan communautaire. Le caractère récent de cet instrument explique sans doute pour partie son faible développement. Pour autant, des démarches sont en cours, souvent communes à plusieurs Etats membres, qui visent à protéger des modes de production traditionnels, notamment dans le secteur de la viande bovine.

C'est pourquoi, la position française, comme celle d'ailleurs de tous les Etats membres, est de considérer que ce signe, quoique perfectible, garde cependant sa pertinence, car tout ce qui relève de la tradition n'est pas forcément localisable.

 

L.M : Quel avenir pour les petites IG (AOP ou IGP) car la Commission trouve qu'il y en a trop ?

 

M.B : Le nombre important d'IG traduit surtout le dynamisme de cet instrument de valorisation de la qualité de nos produits et de nos territoires. Il n'y a donc pas trop d'IG, dès lors qu'elles répondent à un véritable besoin des producteurs et des transformateurs, dans le cadre d'une filière spécifique, et dès lors qu'elles trouvent un ou des marchés. L'idée a été émise de différencier les types d'IG en fonction de critères tels que le chiffre d'affaires ou le potentiel à l'exportation. Il y aurait alors deux régimes de reconnaissance, l'un local, l'autre européen. La France n'est pas favorable à un telle « segmentation » .

D'une part, elle générerait un risque de distorsion de concurrence entre IG, selon le régime de reconnaissance; d'autre part, les critères envisagés sont discutables. Il n'y a, par exemple, pas forcément de lien mécanique entre la « taille » de l'IG et son potentiel à l'exportation. Plusieurs de nos AOP fromagères le démontreraient aisément. En revanche, la France défend l'idée que les opérateurs puissent, sur une base volontaire, conforter l'ancrage de nos IG dans l'économie de nos territoires et favoriser une meilleure information du consommateur, par exemple en localisant la matière première des produits transformés. Le développement rural doit en effet représenter, plus que par le passé, un déterminant important des politiques de qualité conduites à l'échelle européenne.

 

L.M : La France peut-elle demander un programme de communication européen sur le contenu intrinsèque des AOP et IGP, sachant que ces signes sont pratiquement inconnus en Europe ?

 

M.B : La diffusion d'une telle information est évidemment essentielle à la vitalité de nos IG. Une telle campagne d'information aurait évidemment tout son sens. D'une certaine manière, le Livre vert, par sa diffusion, vise à un tel objectif. Mais une telle approche doit également être systématisée au plan national. C'est par exemple tout le sens du « mois de l'origine et de la qualité », que j'ai organisé en partenariat avec l'INAO, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et les artisans bouchers, avec l'appui d’Interbev.

Il s'agit de récompenser la meilleure opération de communication sur nos signes de qualité, conduite conjointement par un ou des producteurs associés à un magasin de la grande distribution ou à une boucherie. Cela permet de recréer le lien entre le producteur, le distributeur et le consommateur. On parle qualité gustative mais aussi de développement économique de nos territoires et du maintien d’un savoir-faire dans nos campagnes. Je remettrai les prix de cette manifestation ce mercredi à l’INAO.

 

L.M :Quels sont les espoirs de voir se concrétiser, un jour, la protection internationale des IG par le biais de l'OMC ?

 

M.B : Cet objectif est, vous le savez, une priorité française, qui figure d'ailleurs au nombre de celles défendues également au plan communautaire. La partie est, il est vrai, difficile. Cela ne signifie pas, loin de là, qu'il faille relâcher nos efforts quitte à les compléter, au cas par cas, par des accords bilatéraux. Enfin, au plan national, l'INAO veille à lutter contre les usurpations, notamment d'AOC, malheureusement encore trop fréquentes dans plusieurs régions du monde.

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