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« Une cotisation volontaire obligatoire ne constitue pas une aide d’État »

Une nouvelle étape vient d’être franchie dans le combat que mènent les interprofessions françaises contre la Commission européenne sur la qualification des cotisations interprofessionnelles*, via les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’UE (CJUE), dans l’affaire opposant le volailler Doux à l’interprofession de la dinde française. Analyse.

Refusant de payer une « cotisation volontaire obligatoire » (dite CVO) au Cidef (Comité interprofessionnel de la dinde française), la société Doux Élevage et la coopérative UKL-Arrée ont déposé en 2009 un recours devant le Conseil d’État, lequel a décidé de saisir la Cour de justice européenne (CJUE) d’une demande préjudicielle.
La CJUE  doit ainsi dire si une décision administrative d’extension d’un accord interprofessionnel instaurant une cotisation doit être considérée comme constitutive d’une aide d’État, comme le prétend la Commission, ou ne fait pas perdre aux cotisations leur caractère de ressources purement privées, comme l’affirment les interprofessions, soutenues par l’État.

Un enjeu de contrôle

L’avocat général de la CJUE, Melchior Wathelet, a rendu ses conclusions le 31 janvier 2013 : il considère que les mesures financées par les cotisations étendues ne peuvent être qualifiées d’aides d’État au sens de l’article 107 §1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Il reprend trois arguments :
1) Les organisations interprofessionnelles créées par les professionnels ne peuvent être assimilées à des entités publiques ;
2) les cotisations volontaires étendues ne créent aucune dépense supplémentaire pour l’État ou toute autre entité publique. Il est précisé que les fonds privés utilisés par les interprofessions ne deviennent pas des « ressources publiques » simplement parce qu’ils sont utilisés de manière conjointe à des sommes provenant du budget public ;
3) les autorités publiques ne sont pas impliquées dans l’adoption des mesures financées et ne peuvent exercer un contrôle réel ni sur ces cotisations, ni sur les actions qu’elles financent. La notion de « contrôle » doit, selon lui, être ici comprise comme un pouvoir de diriger, ou du moins d’influencer, le moment ou la façon dont les fonds concernés sont utilisés. Or, la décision d’instituer les cotisations obligatoires, ainsi que la détermination de leur assiette et de leurs taux et modalités de prélèvement, relèvent de la discrétion complète des interprofessions, échappant ainsi à tout contrôle d’opportunité politique ou de conformité à la politique des pouvoirs publics.
L’avocat général précise toutefois qu’une analyse au cas par cas demeure nécessaire et qu’il n’est pas possible de présumer que toutes les mesures adoptées par les interprofessions et financées au moyen de cotisations volontaires étendues échappent aux critères de ressources d’État et d’imputabilité à celui-ci.
En conséquence, l’avocat général synthétise ainsi ses conclusions : « L’article 107 TFUE doit être interprété en ce sens que la décision d’une autorité nationale (…) étendant à l’ensemble des professionnels d’une filière un accord qui institue une cotisation dans le cadre d’une organisation interprofessionnelle reconnue par l’autorité nationale et la rend ainsi obligatoire, en vue de permettre la mise en œuvre d’actions de communication, de promotion, de relations extérieures, d’assurance qualité, de recherche, de défense des intérêts du secteur, ainsi que l’acquisition d’études et de panels de consommateurs, n’est pas relative à une aide d’État. ».
Même si elles sont le plus souvent suivies, les conclusions de l’avocat général – magistrat indépendant, ne s’imposent pas à la Cour. Reste donc à attendre la décision de cette dernière.

* Voir LMH du 7 mai 2009 : « Les interprofessions dans l’incertitude juridique ».

Rédaction Réussir

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