Une communication renforcée pour le bio
Les Marchés : Votre prédécesseur était un représentant du monde agricole. L’arrivée d’un industriel à la tête de l’Agence Bio va-t-elle influer sur sa ligne de conduite ?
Didier Perréol : Les points de vue sont forcément différents. Un transformateur se situe dans une logique de produits finis, plus proche du consommateur. C’est ce que je voudrais apporter à l’Agence Bio ! Il s’agit d’accentuer la communication, notamment sur les produits transformés, pour souligner les qualités des aliments labellisés bio. Nos unités de transformation utilisent moins d’additifs, sont plus artisanales que le conventionnel, ce qui entraîne un savoir-faire beaucoup plus important. Il faut le faire savoir.
LM : L’Agence Bio vient d’être prorogée pour 5 ans renouvelables. Quels sont les défis à relever sur cette période ?
D.P. : L’Agence Bio va dorénavant avoir la charge d’animer la promotion et la diffusion de la marque « AB », propriété du ministère de l’Agriculture. Il va falloir également soutenir les filières régionales et nationales et aider à leur structuration, améliorer les données de l’Observatoire national de l’agriculture biologique, et comme je l’ai déjà dit optimiser les programmes d’actions de communication.
LM : Les moyens financiers dont dispose l’Agence Bio sont-ils suffisants ?
D.P. : Le budget 2007 de l’Agence Bio, qui se situe autour de 1,8 million d’euros, a légèrement augmenté par rapport à l’an passé. Les deux tiers seront affectés à la communication. Par ailleurs, nous préparons un programme triennal en commun avec 5 interprofessions pour la période 2008-2010. Interbev, interfel, le cniel, onidol et intercéréales sont prêts à prendre des engagements sur 3 ans. Le dossier sera présenté fin février à la Commission pour demander un cofinancement. Si Bruxelles donne une suite favorable, 2,4 M EUR pourraient être mobilisés chaque année pour ce programme, qui sera coordonné par l’Agence Bio.
LM : Le marché des matières premières estampillées « AB », comme le lait, ont fait face à des problèmes d’adéquation entre l’offre et la demande des industriels. Quelles sont les solutions pour éviter ce genre de situation ?
D.P. : Aujourd’hui, si on veut pérenniser et faire avancer les stratégies d’entreprise, il faut que les industriels présents sur notre marché contractualisent leurs approvisionnements avec une production la plus locale possible, et incitent les distributeurs, en circuits spécialisés ou en grande distribution, à également contractualiser leurs achats sur du moyen terme pour avoir un minimum de visibilité. Le tout pour arriver à un équilibre de marché. Le bio est encore une niche : on a vite fait d’être en excédent ou en manque de matières premières. Ce genre de démarche est donc capital.
LM : Peut-on aujourd’hui compter sur la GMS pour promouvoir l’alimentation biologique et ouvrir le marché ?
D.P. : Les choses bougent du coté de la GMS. Les médias parlent de plus en plus du bio, des grands groupes comme Danone commencent à s’y intéresser… il y a un frémissement. Les structures de la grande distribution semblent elles aussi évoluer. Quant aux circuits spécialisés, ils ont connu un fort développement ces deux dernières années. Environ 150 points de vente ont ouvert leurs portes l’année dernière. 100 à 150 magasins devraient encore voir le jour cette année. Cela crée une dynamique et ce développement a rééquilibré le marché : ce circuit de distribution est de nouveau au coude à coude avec la GMS.
LM : De plus en plus de multinationales s’intéressent au bio, en rachetant des PME spécialisées. Ces grands groupes peuvent-ils s’accaparer le marché ou le bio restera-t-il le fait de spécialistes ?
D.P. : Il est difficile de déterminer la péréquation qui donne la bonne taille à une société spécialisée dans le bio. La production reste le fait d’entrepreneurs engagés, qui ont une forte conviction personnelle. Mais effectivement, ici et là, on voit de plus en plus de rachats de PME. Ces opérations donnent plus de moyens économiques à de petits acteurs pour se développer. Donc pourquoi pas ? L’intérêt naissant des grands groupes industriels pour le bio est une bonne chose et peut aider à écouler des volumes. Mais selon moi, ce ne sont pas ces acteurs-là qui ouvrent le marché et vont le développer. Ils restent opportunistes et suivent simplement les évolutions du marché de l’alimentaire comme le fait la grande distribution. Les pionniers restent les petits entrepreneurs. Au final
un équilibre est nécessaire entre ces deux types de sociétés de transformation.