Un pétoncle géant surgelé demande le Label Rouge
L’affaire fait grand bruit dans la filière coquille Saint-Jacques française. Fin septembre, le groupement pour le développement et la promotion des produits agricoles et alimentaires de qualité (PAQ) a déposé à la commission permanente du comité IGP/Label rouge/STG de l’INAO une demande de reconnaissance de la « noix de Saint-Jacques label rouge surgelée ». Il s’agit d’un pétoncle géant (placopecten magellanicus) pêché dans les eaux du Canada et aux Etats-Unis. L’initiateur de la demande, pour lequel le PAQ s’est fait l’émissaire, reste secret pour le moment. L’avis relatif à l’ouverture de la procédure nationale d’opposition est paru au journal officiel du 29 novembre dernier. D’ici le 29 janvier 2009, la boîte aux lettres de l’Inao devrait être assaillie d’oppositions motivées à cette demande. « Premièrement : on avait plutôt compris jusque-là que le Label Rouge était là pour reconnaître la qualité et le savoir-faire français. Deuxièmement : on parle de St-Jacques mais c’est un pétoncle. Ce que je trouve dangereux c’est que l’on risque de faire passer auprès du consommateur des noix US pour des noix françaises », s’offusque Bertrand Desplat, directeur général de Celtarmor, leader sur la transformation de coquille Saint-Jacques pêchée en France. Pour les acteurs de la filière pêche française, seule la pecten maximus peut prétendre à l’appellation coquille St Jacques alors la simple idée qu’un pétoncle obtienne le label rouge soulève de vives réactions.
La demande de reconnaissance de Label Rouge porte sur des placopecten magellanicus pêchées sans corail, décortiquées et surgelées à bord de gros navires surgélateurs (au nombre de 4 pour l’instant). Ce point alimente aussi la polémique puisqu’en France, pour des questions d’hygiène, il est interdit de décortiquer les noix à bord des bateaux qui souvent ne dépassent pas les 10 m de long.
La St-Jacques normande menacée ?
Les demandeurs du Label Rouge affirment que leur objectif est d’assurer une meilleure différenciation gustative entre les petites noix de St Jacques (la noix d’Argentine -Zygochlamys patagonica- ou celle du Pérou -Argopecten purpuratus-, moins chères et plus petites) et les grosses noix de St Jacques surgelées. Mais s’ils obtenaient gain de cause ils viendraient directement concurrencer la noix de St-Jacques blanche des Côtes d’Armor surgelée mais aussi la noix de St-Jacques de Normandie surgelée avec corail. Or la St-Jacques de Normandie est la seule pour l’instant à avoir obtenu le label rouge sur la coquille entière fraîche. « On a déposé un dossier Label rouge sur la noix de St-Jacques de Normandie, on espère l’obtenir d’ici quelques mois et être prêts pour la saison 2009-2010 », rappelle Arnauld Manner, directeur de Normandie Fraîcheur Mer (NFM), groupement Qualité de Marins-Pêcheurs, Criées et Mareyeurs de Basse-Normandie. « Dans un deuxième temps, nous avons prévu de faire un élargissement de la demande à la noix de St-Jacques surgelée coraillée », confie-t-il.
Même si le Label Rouge a déjà été attribué au saumon de Norvège, d’Irlande ou d’Ecosse et à la crevette de Madagascar, dans la filière, on a du mal à croire que l’Inao approuvera le dossier. « Ca laisserait la porte ouverte à n’importe quel pays du monde entier : pourquoi pas demain attribuer le Label Rouge à un poulet brésilien ? », s’emporte Bertrand Desplat.