Un décret pour clarifier le commerce équitable
Renaud Dutreil, ministre Commerce, a présenté hier en Conseil des ministres un projet de décret créant une commission nationale du commerce équitable (CNCE) et déterminant les critères de reconnaissance des personnes physiques ou morales se réclamant du commerce équitable qui pourront faire état publiquement de la mention «reconnu par la CNCE».
«J e salue l'action menée par le gouvernement pour accélérer le développement du commerce équitable, en donnant toutes les garanties aux consommateurs», a déclaré Jacques Chirac à l'issue de cette communication, se félicitant que la France devienne l'un des pays les plus avancés sur la question. Le commerce équitable, qui ne représente encore que 0,02% du commerce mondial, a atteint un volume d'affaires de 240 M Eur en 2004 en France. Ce marché a progressé de 50% en 2005 et ses parts de marchés peuvent atteindre 5% pour certains produits comme le café. Mais tout succès grandissant a son revers : « un nombre croissant de producteurs et de distributeurs se réclament du commerce équitable. Cependant, aucune garantie publique n'existe sur la légitimité du recours à cette appellation», a déclaré hier Renaud Dutreil. « En l'absence d'une telle garantie, les consommateurs risquent d'être trompés et finalement de se détourner du commerce équitable», a-t-il ajouté.
« Des risques importants de dévoiement »
Voilà pourquoi son prédécesseur Christian Jacob a établi une loi le 2 août 2005 créant la CNCE. Après plusieurs mois de concertation avec les acteurs du commerce équitable, le décret définissant les conditions de reconnaissance du commerce équitable va être transmis au conseil d'Etat. Sa publication, accompagnée d'une circulaire d'application, devrait intervenir avant l'été.
Des représentants d'association du commerce équitable ont exprimé hier leurs satisfations à voir ce texte prochainement publié, à quelques nuances près. « Sur certains points, les deux textes ne vont pas aussi loin que le texte de l'AFNOR (lire LM du 11/01/06) sur le commerce équitable mais ils présentent des éléments fondamentaux», a estimé Laurent Levard, délégué général des artisans du monde, faisant référence au critère de prix minimum et à la prise en compte des intérets des salariés.
Frédéric de Souza Santos, coordinateur de la plate-forme pour le commerce équitable qui regroupe plus de 30 associations, a aussi insisté sur les aspects opérationnels contenus dans le projet de circulaire comme le prix minimum mais aussi la prise en compte des critères de développement social et environnemental et l'objectif politique clairement établi du commerce équitable.
« Il existe des risques importants de dévoiement de la démarche, il en va de la crédibilité du commerce équitable. Les consommateurs ne doivent pas être déçus», a-t-il affirmé, précisant qu'il resterait vigilant sur le maintien des termes actuels du projet de circulaire. Victor Ferrera, président de Max Havelaar France s'est montré moins prolixe sur le sujet, estimant simplement que la commission aura pour but de reconnaître les organismes de garantie.
Le décret définit parmi les critères de reconnaissance sur lesquels devra se fonder la commission : l'objectif d'améliorer les conditions de vie des producteurs, la mise en place d'actions de sensibilisation du public, la transparence, l'existence d'un système de contrôle des conditions du commerce équitable dans les pays en voie de développement, les contrôles effectués auprès des importateurs sur les conditions minimales de prix d'achat, la continuité et le préfinancement des commandes.