Aller au contenu principal

Un cadre européen encore inefficace face aux fraudes alimentaires

Depuis plusieurs années déjà, la contrefaçon a cessé de se concentrer sur les produits de luxe pour s’étendre au secteur alimentaire, assurant ainsi aux organisations criminelles un bénéfice comparable1, voire supérieur, pour un processus de falsification bien plus aisé et pratiquement intraçable.
Les 13 000 bouteilles d’huile d’olive, 12 000 bouteilles de vin, 30 000 barres de chocolat, 30 000 tonnes de sauce tomate et 77 000 tonnes de fromage saisies au cours de l’opération de contrôle « Opson »2, qui s’est déroulée du 28 novembre au 4 décembre 2011 aux frontières de dix États européens 3, à l’initiative d’Europol 4, témoignent de l’ampleur d’un phénomène encore inconnu il y a quelques années seulement.
Alors que les préjudices qui découlent habituellement de la contrefaçon sont essentiellement matériels (manque à gagner pour l’entreprise propriétaire de la marque, atteinte à son image et à ses droits de propriété intellectuelle), ils revêtent, avec la contrefaçon alimentaire, une dimension nouvelle, bien plus grave : celle de l’atteinte à la sécurité sanitaire.
Car ces « faux » produits de consommation courante entrent dans la chaîne alimentaire sans être contrôlés, de sorte que les consommateurs achètent, en toute bonne foi, des aliments non conformes aux normes européennes en matière d’hygiène, de qualité et de sécurité, mettant ainsi leur santé, voire leur vie, en danger.
Le cadre juridique européen actuel ne permet pas de lutter efficacement contre ce fléau. Les seules règles harmonisées au niveau européen, que l’on pourrait envisager d’appliquer à la fraude alimentaire, ont trait à la propriété intellectuelle, aux pratiques du commerce et à la sécurité des produits, sans aucune harmonisation en termes de sanctions. Si le bilan de leur efficacité est déjà mitigé en ce qui concerne la contrefaçon « classique », elles sont, en toute hypothèse, inadaptées aux spécificités de la contrefaçon alimentaire, bien plus diffuse et intraçable. Les sanctions prévues par les États membres sont aussi loin d’être dissuasives pour l’agromafia, qui a ainsi vu dans la fraude alimentaire une alternative intéressante aux secteurs « traditionnels » d’activité du crime organisé, tels que le trafic de drogue.

Un projet de loi d’ici l’été

Dans ces conditions, le commissaire européen chargé des douanes et de la lutte antifraude, Algirdas Šemeta, s’est engagé à présenter un projet de loi d’ici l’été, afin d’harmoniser en Europe la législation criminelle relative aux fraudes alimentaires. Raffaele Guariniello, procureur spécialisé en matière d’infractions alimentaires auprès du parquet de Turin, préconise également la création d’un parquet européen, car l’Europe serait, selon lui, un « paradis pénal » pour les criminels qui ne sont limités, à l’inverse de ceux qui les poursuivent, par aucune frontière.
Les infractions étant clairement identifiées (tromperie, falsification, contrefaçon, mise sur le marché de produits d’origine animale ou végétale dont l’importation est prohibée, etc.), on pourrait imaginer, dans l’attente de ces projets et compte tenu du caractère alarmant de la situation, appliquer plus systématiquement les règles nationales ou européennes déjà en vigueur, mais plus générales. Cependant, dans le cadre de la contrefaçon alimentaire, les moyens techniques et financiers habituellement mis à la disposition des contrôleurs de produits alimentaires sont nettement insuffisants.
L’on peut craindre que l’agromafia n’ait encore de belles années devant elle, car comme l’indiquait le procureur italien, « le crime alimentaire voyage à la vitesse de la lumière, alors que la justice voyage encore en diligence ».

1. La marge bénéficiaire sur chaque produit est certes réduite, mais les volumes visés sont devenus immenses. La contrefaçon des produits de grande consommation génère un chiffre d’affaires supérieur à celui de la drogue, estimé à plus de 350 milliards de dollars.
2. Opson signifie « aliment » en grec.
3. Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Roumanie, Royaume-Uni et Turquie.
4. Cette opération visait tous les niveaux de la chaîne : production, transformation, distribution.
Rédaction Réussir

Les plus lus

Œufs : le bond des importations européennes vient d’Ukraine, mais aussi de Turquie

L’évolution des prix des œufs français, au 19 décembre 2025, expliquée par le journal Les Marchés, qui publie trois fois par…

Anvol analyse volailles
Poulet : la hausse de 3,7 % de la production française ne suffit pas pour répondre à la demande

La consommation de volailles, et en particulier de poulet, poursuit sa progression amorcée depuis plusieurs années. Les achats…

Dinde en élevage
« La production de dinde est stable en 2025, c’est une bonne nouvelle »

Après plusieurs années de recul, la filière dinde semble retrouver de la stabilité dans les abattages en France. Malgré une…

Les prix des œufs arrêtent leur progression en Europe avant les fêtes

L’évolution des prix des œufs français, au 12 décembre 2025, expliquée par le journal Les Marchés, qui publie trois fois…

Courbe de prix du beurre
L’Europe n’a jamais autant produit de beurre sur un mois de septembre

Le dynamisme de la collecte laitière européenne s’est traduit par une nette hausse des fabrications de beurre dans l’Union…

Avion de la présidence française à Pékin
Agroalimentaire : quels résultats de la visite d’Emmanuel Macron en Chine ?

Emmanuel Macron est rentré de Chine où l’accompagnaient la ministre de l’Agriculture et des industriels des secteurs laitiers…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Les Marchés
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez vos publications numériques Les Marchés hebdo, le quotidien Les Marchés, Laiteries Mag’ et Viande Mag’
Recevez toutes les informations du Bio avec la newsletter Les Marchés Bio