Trop de normes peut nuire à la sécurité sanitaire
« Ce n'est pas parce qu'on renforce la norme que le risque sanitaire baisse. Ce n'est pas parce que le risque diminue que le profit des opérateurs s'accroît. Ce n'est pas non plus parce qu'une crise sanitaire survient, entraînant un effondrement du marché, que le secteur privé a intérêt à la prévenir. » Voilà quelques-unes des formules choc lancées hier par le chercheur de l'Inra Eric Giraud-Héraud, lors d'un colloque à Paris sur les nouveaux enjeux des entreprises et filières agroalimentaires. L'Institut de recherche agronomique, organisateur de la manifestation, s'est livré à une évaluation de l'impact des normes de distributeurs sur l'amélioration globale de la sécurité sanitaire. Ses travaux montrent qu'il n'est pas certain que la démarche de normalisation collective des grandes enseignes change systématiquement ce risque. L'hétérogénéité des entreprises en matière de niveau d'équipement initial induit une dissymétrie dans les efforts individuels d'adaptation. Ainsi, les distributeurs pourraient, en choisissant un standard élevé, ne susciter l'adhésion que de fournisseurs initialement bien équipés. Les autres producteurs, principaux responsables du risque sanitaire, restent sur un marché générique, distinct du marché sécurisé. Dans ce cas, la norme joue pour les GMS comme une assurance contre les retombées pénales, et non comme une action efficace de diminution réelle des dangers.
Modérer le standard public
La question de la prévention des crises se résume, pour un opérateur privé, à un arbitrage entre la perte de marge et la diminution des coûts liés à sa responsabilité. « Prévenir une crise peut s'avérer très coûteux, a expliqué Eric Giraud-Héraud. Cela relève alors de la puissance publique et n'est plus du domaine de l'investissement privé. » L'Inra souligne aussi que le renforcement de la réglementation publique sur les conditions de production pourrait dissuader les distributeurs d'investir dans une amélioration privée de la sécurité. Ce phénomène est observé même si, comme dans le cas des marques de filières, la sécurité est signalée indirectement aux consommateurs. A partir d'un certain niveau de standard, l'Inra démontre que le secteur privé n'a plus intérêt à investir au-delà de la norme publique, ce qui au final pourrait se retourner contre le niveau moyen de la sécurité des produits sur le marché. Autrement dit, le niveau de sécurité sanitaire pourrait être plus satisfaisant quand les pouvoirs publics incitent à une réaction privée de sécurisation, en modérant le niveau du standard public.Par ailleurs, le renforcement d'une norme, qu'elle soit publique ou privée, provoque de facto l'exclusion de producteurs ne pouvant supporter les surcoûts générés par cette réglementation trop stricte. Du point de vue des consommateurs, ceux-ci voient alors l'offre sur le marché se raréfier, ce qui provoque une augmentation structurelle du prix de vente final.