Transparence et intentions opaques

La liste exhaustive des bénéficiaires français de la politique agricole commune a donc été publiée sur internet, le 30 avril dernier. Ce n’est pas une surprise. Le gouvernement français, après l’avoir freinée pendant des années, a fini par céder à cette exigence constante de la Commission européenne lors d’un vote des 27 États membres en octobre 2007. Le ministère de l’Agriculture la justifie aujourd’hui comme une opération de « transparence » qu’elle qualifie d’« indispensable ». Mais transparente pour qui ? Pour l’opinion, puisque c’est au contribuable que ce répertoire est destiné ? Un internaute lambda a peu de chance de tirer quelque enseignement que ce soit de listes de bénéficiaires dont bon nombre — et parfois parmi les plus importants — apparaissent sous les appellations champêtres d’EARL des oiseaux ou de SICA des coquelicots. Quelle conclusion autre que négative pourra-t-il tirer de l’exhumation triomphale de noms de groupes agroalimentaires privés ou coopératifs, alors même qu’il ignore tout de la justification des aides à l’investissement ou à l’exportation ? La vérité est que l’internaute de base s’en moque. Seul l’internaute averti, l’agriculteur en tête, peut y trouver un intérêt. Mais lequel, si ce n’est une curiosité jalouse ou malveillante ? La motivation de cette transparence, la Commission européenne l’a livrée sans fard, et il y a bien longtemps. Elle en attend un détricotage progressif de la Pac, sous la pression des opinions européennes outrées par tant d’avantages mal acquis. Quelle autre catégorie de la population, fonctionnaire ou bénéficiaire des allocations familiales ou du RMI, accepterait de se prêter à une telle avanie ?