Sucre : la réforme coupe l’élan de Saint Louis
Malgré une campagne betteravière qualifiée d'excellente en 2005, avec un rendement record et une forte richesse en sucre, l'environnement économique a quelque peu douché l'enthousiasme de Saint Louis Sucre qui a présenté ses résultats hier. L'entreprise membre du groupe allemand Südzucker n'a pu qu'égaler ses ventes de la campagne précédente à 1,08 Md Eur, après plusieurs années de croissance. Plus gênant, le résultat opérationnel a fondu de 151 à 94 M Eur, conséquence d'une chute de la marge commerciale et d'une hausse des coûts de l'énergie.
À cette situation dégradée s'ajoute la réforme de l'OCM sucre qui entre en vigueur le 1er juillet, et entraîne une diminution des prix de la betterave et du sucre, entre autres. « Compte tenu de cette réforme, l'Europe va passer du statut d'exportatrice nette à importatrice nette. 30 % de la production du continent va devoir s'arrêter », a déclaré Frédéric Rostand, président du directoire de Saint Louis Sucre.
La diversification, un nouveau pas
Présent en France et en Pologne, le groupe n’est pas spécifiquement visé, mais des investissements sont d'ores et déjà prévus pour améliorer la compétitivité des outils. D'un montant de 37 M Eur pour la France sur la campagne écoulée, ils devraient atteindre 46 M Eur dans l'année à venir. Dernièrement, Saint Louis a fait un nouveau pas dans la diversification des débouchés, avec le rachat des parts restantes de la distillerie nordiste Ryssen (99 M Eur de CA), qui traite l'alcool d'origine agricole. Un projet d'augmentation de la capacité a été lancé, pour 6 M Eur. « Nous sommes la sidérurgie de l'alimentaire, c'est-à-dire une industrie lourde», a expliqué M. Rostand, qui entend développer le non alimentaire grâce au bioéthanol, « pour mieux utiliser le parc industriel existant». Déjà en possession de 33 000 t d'agréments pour la production d’éthanol, le sucrier a posé sa candidature à l'obtention de nouveaux agréments, dans le cadre d'un nouvel appel d'offres lancé par le gouvernement ce mois-ci.
L'éthanol apparaît clairement comme un relais de croissance pour le groupe, qui possède un potentiel de 765 000 hl de biocarburants et 275 000 hl d'alcool. La part de non alimentaire est ainsi appelée à progresser, bien qu'elle ne soit pas un foyer de valorisation exceptionnel. Représentant 15 % des volumes traités, le non alimentaire reste inférieur en termes de CA compte tenu de l'absence de prix garantis. La valorisation n'est pas non plus à aller chercher dans les MDD, un marché dans lequel Saint Louis a avoué à demi-mot son entrée. « Ça ne va pas dans le sens de la création de valeur, mais c'est le marché qui a raison», s'est résigné M. Rostand.
Les mois à venir détermineront la capacité du groupe à encaisser la réforme, mais ce dernier est loin d'avoir baissé les bras. Bien qu'il abandonne sa vocation exportatrice, Saint Louis entend bien acquérir les volumes mis sur le marché. La disparition du sucre C (hors quota) prévue dans la réforme va donner droit à des rachats de quotas. Sur les 351 000 t récupérées par la France, 48 500 t ont été allouées à Saint Louis sucre. Avec un prix de rachat de 730 euros/t, le budget à débloquer atteint 36 M Eur, un montant dont le cofinancement par les planteurs est en cours de discussion.