Semences : le progrès confronté aux peurs
Il y a des colloques qui marquent, parce qu’un intervenant a fait vibrer la salle. Celle du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (Gnis), hier à Paris, en fait partie. L’ancien ministre de l’éduction nationale Luc Ferry y a dénoncé la prolifération des peurs dans la société civile.
Le président du Conseil d’analyse de la société y voit l’expression légitime du sentiment que le monde nous échappe. Le débat sur les cultures transgéniques incarne bien cette idée de dépossession, de perte de contrôle. « Il est absurde que 70 % des Français soient opposés aux OGM. Je suis partisan du principe de précaution, mais de là à jeter l’anathème sur l’ensemble de la recherche scientifique… On ne peut survivre que dans une économie d’innovation », a déclaré le philosophe, en mettant en parallèle « l’économie d’imitation » des pays émergents.
Il faut toujours plus de science
Pour lui, le fait que la science soit plus associée au risque qu’au progrès est dramatique. « Je pense que c’est avec plus de science qu’on résoudra les problèmes du monde », a martelé Luc Ferry. L’ancien ministre de l’Éducation et de la Recherche s’est montré particulièrement critique envers le Grenelle de l’Environnement, qu’il a décrit comme une victoire des écologistes. « A la place du Grenelle, on a plutôt besoin, au sein des institutions républicaines, d’un appareil puissant à dissiper les rumeurs. » La « déculpabilisation », la « valorisation » de la peur mènent, selon lui, à la régression des moyens qui permettent d’en sortir : la recherche et l’innovation.
C’est dans ce cadre qu’est intervenu le débat intitulé « Semences et société, pour une agriculture durable ». Philippe Pinta, président d’Orama et de l’AGPB, a dit n’avoir « pas bien vécu », lui non plus, le Grenelle de l’Environnement. En évoquant la stratégie du « produire plus et mieux », il a souligné les résultats déjà obtenus dans ce domaine par les agriculteurs. « On n’a pas été bon en communication », a-t-il reconnu. La recherche variétale doit, selon lui, s’intensifier sur la productivité, notamment pour la régularité des rendements, et sur la réduction des intrants, qui a comme caractéristique une « valeur ajoutée partagée ». « Les OGM apportent une réponse à certains problèmes », a-t-il ajouté. Sur le sujet, Daniel Segonds, vice-président du Gnis et président du directoire du groupe semencier RAGT, a estimé qu’il ne faut « pas donner la parole à des incompétents », en faisant allusion aux microtrottoirs, de plus en plus utilisés par les médias. « Les scientifiques ont un problème d’expression dans un monde pressé et caricatural », a renchéri la présidente de l’Inra Marion Guillou. Pour Philippe Pinta, la communication doit être menée dans la durée. C’est ce qu’entreprend Passion Céréales. Reste une question sans réponse : comment produire «deux fois plus» dans les 10 ans qui viennent, tout en produisant «mieux» ?