Se financer par les prêts participatifs

> Vincent Ricordeau, fondateur de Kiss Kiss Bank Bank et Hello Merci.
Alors que la France est en crise depuis maintenant plusieurs années et que les industriels ou PME ont de plus en plus de mal à faire financer leurs projets (investissement, création, croissance…) par les banques, une légère évolution du cadre réglementaire du financement participatif devrait faire bouger les lignes. Au premier trimestre, le financement participatif – système de dons ou de prêts entre particuliers via une plateforme Internet – devrait légaliser les prêts participatifs rémunérés.
Concrètement, alors que les financements participatifs étaient plutôt orientés vers les projets culturels (production de disque, de livre, de spectacle…), car non rémunérés, ils pourraient désormais s'ouvrir au monde de l'entreprise. D'ailleurs, la révolution a débuté en 2013 avec l'ouverture de certaines plateformes de prêts (sans contreparties). « Sur les 8 M€ que nous avons collectés cette année, 1/3 était consacré à des projets autres que culturels. Pour aider les jeunes entrepreneurs, nous avons lancé en mars 2013 la plateforme Hello Merci qui propose aux internautes de prêter de l'argent à des porteurs de projets », explique Vincent Ricordeau, président fondateur des deux plateformes, Kiss Kiss Bank Bank et Hello Merci.
Apparu d'abord aux États-Unis en 2007 puis en Europe un an plus tard, le financement participatif, qu'il s'agisse de dons, de prêts ou d'achat d'actions, est en pleine croissance dans le monde. Aux États-Unis, où le marché est le plus mature et où l'économie et la finance sont les plus décomplexées, le marché a représenté en 2013 près de 6 milliards de dollars. En France, le marché est beaucoup plus modeste avec 40 millions d'euros de volume d'affaires en 2013 pour une soixantaine de plateformes mais il double chaque année. Il représente quand même l'équivalent des réseaux français des Business Angel's. Le magazine Forbes estime que le marché du financement participatif pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars au niveau mondial d'ici à 2020.
Dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire plusieurs projets sont déjà arrivés à terme. Nicolas Milhe et David Saury, deux jeunes agriculteurs installés dans la vallée de Buèges (34), ont emprunté 6 000 euros pour créer un verger sur leur exploitation et consolider leur trésorerie. Johanna Julien, éleveuse de chèvres (46), a financé l'achat d'une camionnette d'occasion (5 000 €) pour livrer ses fromages. Emmanuel Rey (78) a récolté 15 000 € pour acheter des fûts de chêne pour la maturation de ses bières. Le pisciculteur Séverin Leborgne (80) a emprunté 10 700 € pour l'achat de matériel. « J'ai choisi le financement participatif pour montrer à mon banquier que je pouvais développer mon activité sans lui. Le prêt participatif m'a également permis de créer une émulation autour de mon activité et d'impliquer mes clients et fournisseurs, puisqu'une grande partie d'entre eux ont financé mon projet », explique Séverin Leborgne. Il poursuit : « Aujourd'hui, j'ai créé un lien autre que commercial avec mes différents partenaires. Ils sont heureux d'avoir participé à mon projet et se sentent désormais concernés par la santé de mon entreprise. »
Si pour l'heure les prêts participatifs sont totalement désintéressés pour les prêteurs puisque sans contreparties financières, l'ouverture des prêts rémunérés pourrait attirer tous les petits épargnants qui disposent de 50 € ou plus sur leur livret A. Du côté des emprunteurs, ces prêts restent aussi un bon système de financement pour les sociétés qui n'ont pas accès aux prêts bancaires, pour les petits investissements (jusqu'à 15 000 €) ou pour créer du lien à travers une communauté. Seul désavantage : un coût certainement un peu plus élevé qu'un prêt bancaire classique du fait des taux de commissions pratiqués par les plateformes.