Saumon : prix minimum, tension maximum
Les importateurs et transformateurs de saumon français sont furieux de l’adoption, le 4 février dernier par Bruxelles, de nouvelles mesures de sauvegarde sur les importations de saumon d’élevage. Fortement encouragé par son ami Tony Blair, qui à trois mois des élections semble soucieux de satisfaire son électorat écossais, le commissaire britannique Peter Mandelson vient d’imposer des prix minimum assortis d’un système de cautionnement et de contingents tarifaires aux importations de saumon (entier, en filets, en portions...) en provenance de Norvège, des îles Féroé, du Chili et d’autres pays tiers.
Les prix minimum franco frontière sont instaurés pour le saumon entier éviscéré à 3 Eur/kg sur le frais et 2,88 Eur/kg pour le congelé et pour les filets, plein filets et portions de filet à 4,154 Eur/kg sur le frais et 3,988 Eur/kg pour le congelé. Ces prix minimum seront majorés de 5,5% à partir du 16 avril. «Résultat : le prix rendu Boulogne se monte à 3,10-3,20 Eur/kg actuellement contre 2,85 Eur l’an passé, ça fait 10% de différence et on sera à +15% en avril. Il est clair que le prix minimum est au-dessus du prix de marché, ça va avoir un effet négatif sur la consommation», confiait hier aux Marchés le plus gros importateur de saumon français, basé à Boulogne-sur-Mer.
Inextricable caution
Si les contingents ne posent pas particulièrement de problèmes aux opérateurs français, la caution (de 320 à 450 Eur/t selon les produits) imposée comme garantie du respect du prix minimum semble très difficilement applicable.
«On importe 12 000 tonnes par an pour un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros. Pour financer la caution nous avons besoin d’un fonds de roulement de 2,5 millions d’euros», témoigne Philippe Barbe, p-dg de Direct Océan. Pour les petites entreprises, la caution sera très dure à mettre en place.
Du côté des fumeurs de saumon, la pilule est également difficile à avaler. Confrontés déjà à une hausse de leurs coûts de production liés au transport, à l’énergie, aux charges salariales, ils doivent aujourd’hui faire face à une augmentation de 10 à 15% du prix de la matière première saumon.
Sur les 43 000 tonnes de saumon utilisées par l’industrie française de la fumaison, 62% proviennent de Norvège. «Dans le même temps, les prix de vente baissent suite aux accords Sarkozy et au développement du premier prix et du hard discount», souligne Pierre Commère, secrétaire général du syndicat du saumon et de la truite fumés (STF) qui regroupe les 12 principaux fumeurs français. Le STF a fait appel aux pouvoirs publics français et rencontre la semaine prochaine le cabinet du Premier ministre. Le syndicat national du commerce extérieur des produits congelés et surgelés (SNCE) a de son côté adressé un courrier à François Loos, ministre délégué du Commerce extérieur, lui demandant de s’opposer une nouvelle fois à ce dispositif «pénalisant pour les entreprises françaises et le consommateur». Une mesure de sauvegarde moins contraignante avait déjà été annulée par le Conseil de l’UE le 6 décembre dernier.
Du côté du cabinet de François Loos, on assurait hier que la France défendrait entièrement l’intérêt des transformateurs de la Communauté. La plainte déposée par le Chili à l’OMC et les menaces de la Norvège sur une procédure similaire devraient aider la France à obtenir gain de cause.